Le grain de sable

Un très mauvais article pénal

Le fameux article 261 bis du code pénal suisse qui punit l’incitation à la haine ou à la discrimination d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de motifs limités strictement à des questions raciales, ethniques, religieuses ou, depuis le vote des Chambres en décembre dernier, à des questions « d’orientation sexuelle », est un très mauvais article.  Il fait croire qu’il est licite d’inciter à la haine ou à la discrimination d’une personne ou d’un groupe de personnes dès que le motif n’est pas un de ceux expressément mentionnés dans la loi. C’est sans doute d’ailleurs ce qui contribue au déferlement de haine, de violence et de mépris sur les réseaux sociaux contre l’auteur d’un texte qui déplaît. On ne risque rien si ce n’est pas « raciste », « ethnique » ou « sexuel ». En matière religieuse, le risque est moindre, même si l’article s‘y applique aussi, mais c’est un domaine où la tolérance à l’attaque est beaucoup plus large, en tous les cas s’il s’agit de chrétiens.

J’ai voté NON à cet article aux Chambres en 1993 et je voterai NON chaque fois qu’il sera soumis en votation, car chaque adjonction ne fait qu’aggraver la situation. Non seulement cet article est une incitation à « rectifier » sans cesse le passé en supprimant des noms de personnes ayant, en son temps, violé une règle qui n’existait pas, en corrigeant ou censurant des œuvres dont le contenu portait atteinte à une loi alors non élaborée parce qu’elle ne semblait pas nécessaire – à tort peut-être -, non seulement cet article est appliqué parfois, dans son esprit sinon à la lettre, rétroactivement, ce qui est aberrant, mais surtout, il consacre la négation de ce qui devrait être un principe général  intangible, le respect de chaque personne.

Aurait-on le droit, comme on a pu le voir récemment en France à l’égard de M. Macron, d’inciter à la décapitation d’un membre du gouvernement ou du Président de la Confédération, simplement parce que ce n’est pas une incitation à la haine raciale ? A-t-on le droit d’inciter si constamment à la haine et au mépris « des riches », des politiciens (tous pourris), de certains partis politiques (populistes !), simplement parce que ce n’est pas raciste ou ethnique, ou sexuel ? Le harcèlement scolaire – qui conduit souvent au suicide – est-il permis si l’élève concerné est de l’ethnie majoritaire?

Je partage pleinement la préoccupation d’empêcher l’incitation à la haine en général et à la discrimination, mais je constate qu’à vouloir lister précisément les cas où une telle incitation serait inadmissible on entretient l’idée qu’en dehors de ces cas, on a le droit de se déchaîner. C’est une lourde erreur.

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