Le grain de sable

Droit national et droit international, aucun des deux ne prime l’autre

Dans un magnifique article intitulé « Conflits entre le droit interne et le droit international   Démocratie directe et/ou pouvoir des juges ? », article publié dans le cahier 55 de la Revue de droit suisse, le professeur Jean-François Perrin, professeur honoraire de l’université de Genève, démontre l’insécurité juridique que créent l’affirmation de la primauté du droit national autant que celle de la primauté du droit international.

Ce Collègue, spécialiste du droit privé, procède à une analyse dépassionnée de la problématique que prétend résoudre l’initiative dite « des Juges étrangers ». Exemples judiciaires à l’appui, puisés aussi bien dans la jurisprudence fédérale que dans celle de la Cour européenne des droits de l’homme, le Professeur Perrin met en évidence le mécanisme judiciaire de l’application ou parfois de la non-application du droit (national ou international), de l’interprétation et de la pesée d’intérêts. Il souligne les contradictions éventuelles du droit international, toujours exemples concrets à l’appui, et l’impossibilité de définir, comme tel, le « droit international » notion éminemment composite.

Il étudie la Constitution suisse actuelle et conclut : « La Constitution ne dit jamais que le droit international prime par lui-même, par son contenu. Une disposition particulière de la Constitution, ou conforme à celle-ci, doit en toute circonstance pouvoir être invoquée pour justifier la primauté de l’une des deux catégories sur l’autre, en cas de conflit. Le droit international ne prime donc pas par nature ».

Conclusion logique : si le droit international ne prime pas par nature, selon notre constitution, il est évidemment aussi inutile que dangereux de poser la règle contraire comme le fait l’initiative sur les « juges étrangers ». Seule la souplesse permet au juge de chercher et d’appliquer la solution la meilleure en conciliant si possibles les deux droits ou en accordant momentanément, par pesée d’intérêts, l’avantage à une disposition de l’un ou l’autre des deux droits.

L’auteur termine son article de 193 pages par une dissection point par point de l’initiative, sans aucun pathos. Ayant rejeté ce qu’il appelle les deux monismes, soit le principe de la primauté du droit international  (défendu par certains professeurs de droit public, voire par certains diplomates ou juges fédéraux) autant que celui de la primauté du droit national (consacré par l’initiative), il écrit : « Il nous paraît possible de considérer que la Constitution helvétique actuelle, ainsi que le droit fédéral, contiennent d’ores et déjà les dispositions qui sont susceptibles d’être invoquées pour apporter une solution aux problèmes qui se posent ». Il déplore toutefois l’aspect idéologique du problème qui nuit à une réponse juridique découlant du seul texte actuel de la Constitution et le combat qui oppose actuellement partisans et adversaires de la primauté du droit international. Ce combat empêche un raisonnement sain et la recherche d’une formulation claire de la Constitution pour laquelle le Professeur Perrin formule une piste praticable de réflexion.

Puisse la campagne politique qui précédera le vote populaire prendre un peu de hauteur et ne pas opposer simplement les tenants de deux « religions » incompatibles et nuisibles !

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