Le grain de sable

Droit de vote à l’étranger et démocratie

Est-il vraiment compatible avec la liberté d’opinion, donc avec la démocratie, d’étendre le droit de vote à ses ressortissants domiciliés à l’étranger ? C’est une question que je me suis constamment posée y compris lors de l’octroi de ce droit aux Suisses de l’étranger. L’affaire actuelle du vote constitutionnel turc la rend plus actuelle que jamais.

L’exercice du droit de vote exige la libre discussion des opinions pendant la campagne qui précède. Or cette libre discussion est naturellement entravée sur une terre étrangère pour plusieurs raisons. D’abord parce que la terre d’accueil ne peut se voir imposer d’éventuelles querelles lourdes voire « sanglantes » comme celles qui caractérisent certaines cultures. Ensuite et surtout parce qu’il n’est pas du tout certain que la liberté d’opinion sera respectée, ni d’ailleurs le secret du vote. Expliquons-nous :  dans la mesure où le pays concerné par le vote a de bonnes relations avec le pays de domicile, il sera aisé pour les représentants « officiels » de répandre leur propagande alors que les « opposants », non officiels, n’auront pas l’égalité des armes. Ensuite, il est plus simple pour le pays d’origine de connaitre l’avis de ses ressortissants à l’étranger – moins nombreux et assez catalogués – que de connaître celui de ses nationaux sur place. Et dans la mesure où le résultat du vote des « ressortissants à l’étranger » est catalogué, un mauvais score pourra facilement être sanctionné, voire, une délation encouragée. Il est clair que, normalement, la propagande « officielle » ne devrait jamais pouvoir utiliser les canaux « officiels » dans un pays étranger pour atteindre ses propres nationaux.

Si l’affaire turque rend la question plus actuelle que jamais, ce n’est pas juste parce que l’Etat concerné n’est pas spécialement libéral, mais parce que, d’une manière générale, est ainsi posée la question de l’opportunité, face au fonctionnement de la démocratie, d’accorder le droit de vote à des nationaux domiciliés à l’étranger.

Le 10 mars 2017

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