Les Chantiers du Couple

La recherche névrotique du pouvoir chez les hommes

Le pouvoir névrotique

Le pouvoir névrotique, © S.Vasey2019

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Déf : Le pouvoir est la faculté, la capacité, la possibilité matérielle ou la permission de faire quelque chose.

Acquérir et développer des pouvoirs, être capable, contrôler et maitriser…

Mais il y aussi abus de pouvoir, luttes de pouvoirs, le pouvoir corrompt…

De manière saine et naturelle, l’enfant développe des pouvoirs, une quête incessante où il découvre tout ce qu’il peut. Il veut pouvoir comme la grande sœur, comme le père ou la mère. Puis adolescent, pareil, comment trouver sa place, avoir le pouvoir d’être vu, reconnu, exister et être défini par ce qu’il peut… “il est fort en informatique, époustouflant !“, ou “tu l’as vu rapper, incroyable ?!“. A mon école primaire de Pully, dans nos vieux pissoirs muraux de l’époque, un camarade arrivait à pisser jusqu’au plafond. On a bien rigolé et il avait gagné tout notre respect !

Le jeune adulte, pareil, va faire beaucoup pour se prouver, prouver aux autres, avancer dans sa carrière, en compétition, gagner en pouvoir et en contrôle.

En tant qu’homme concerné, mais aussi en tant que psy, je reconnais le besoin légitime de passer une partie de sa vie à gagner en pouvoir. Cela s’appelle aussi la construction d’une personnalité, d’un égo nécessaire.

Mais si cela ne se se relaxe pas dans une vie, si cela devient compulsif ou addictif, il y a un problème.

Dans les thérapies, il est clair que cette recherche sans fin a un impact sur les couples, sur les familles sur la qualité de vie. Si l’homme, (et certaines femmes aussi bien-sûr) dans cette recherche excessive, donne la plus grande part de sa vitalité et de ses belles énergies masculines la journée, de manière naturelle il aura besoin de ne rien faire, d’être mou et passif, dormir et récupérer le soir et le weekend.

Mon ami Luis Ansa, donnait une description assez simple du pouvoir : « c’est la recherche de l’avoir, du savoir ou du pouvoir ».

 

Réfléchissez, pourquoi avons-nous besoin de posséder et d’accumuler tant de pouvoir, tant d’argent, tant de connaissances mentales ?

L’ombre de ce sport féroce et souvent sans pitié, révèle une faille.

L’image de moi est-elle si déficiente ? Ai-je une sensation d’un manque, d’un abysse sans fin jamais ? Une insécurité pathologique ? Un complexe qui s’est inscrit dans l’adolescence et auquel j’obéis sans répit encore aujourd’hui à 50 ans?

 

Exemples pour nous les hommes :

Lorsque j’observe les politiciens (presque tous !?), cela me parait flagrant : petit homme frustré veut devenir grand, petit roquet déclame ses démonstrations habiles, jeux de pouvoir, recherche de pouvoir, démagogie, promesses, alliances et coups bas. Bref la matière journalière dans notre presse de tous les matins !

En parallèle, dans les entreprises, la lutte violente pour faire sa place au sommet, écarter sans conscience morale des collègues etc.

Dans les organismes et institutions, mêmes pratiques. En sociologie des organisations, celui qui a le plus de pouvoir, c’est celui qui accumule le plus d’informations.

Chez nos militaires, etc.

 

Cette recherche effrénée et excessive du pouvoir ressemble clairement à une compensation

Le profil de “l’assoiffé de pouvoir“ (powermonger en anglais) consiste à :

Se rassurer en dominant ses collègues, sa femme, ses enfants, en accumulant plus de savoir, en étalant ses connaissances, en développant à outrance ses valeurs monétaires, en renforçant sa position, en développant des stratégies et des manipulations légales et illégales. Il veut se battre, faire la guerre, gagner sans fin…

Cela pose la question d’ailleurs, pourquoi protégeons-nous, soutenons-nous, permettons-nous à ces personnes de prendre le pouvoir dans nos couples, nos familles, nos institutions professionnelles et politiques ? Sommes-nous trop faibles, ou pressentons-nous leur immense fragilité et que de les remettre en question pourrait les mettre en péril, perdre la face, les surprendre dans leur profonde vulnérabilité. Comprenons-nous que quelqu’un qui doit absolument décider, avoir le pouvoir et être fort, n’a pas le choix et est donc un être humain dans le besoin, blessé et faible ?

Dans mon regard compassionné, j’aperçois un homme pathétique, dissocié, sacrifié, handicapé de son humanité, de son cœur et de sa sensibilité. Ce qui est donc d’abord grave pour lui-même.

Par opposition, un homme qui est dans la maturité de son pouvoir, le donne, en redonne, le partage, aide ses pairs à en gagner. Sa quête, ses aspirations, ses valeurs se situent enfin ailleurs. Vous savez ce héros du film, qui est devant son miroir, et qui se dit : « mais au bout de cette vie, si je veux pouvoir me regarder en face, pour que mes enfants soient fières de moi, alors j’arrête de faire ce travail de pu…

Les addictions, le record des suicides chez les hommes, c’est encore le pouvoir. Le pouvoir de se détruire, de « s’auto-médiquer » sans demander d’aide, de trouver la solution tout seul, même si elle est toxique ou terminale.

 

Alors s’il n’y plus la recherche du pouvoir, il y a quoi d’autre ?

 

Dans les études qui s’occupent de notre fin de vie, il semble que ce qui subsiste au dernier instant, ce qui a encore une valeur, ce n’est pas nos victoires, notre fortune, notre carrière, nos accomplissements matériels. C’est étonnamment l’amour, celui qu’on a donné, celui qu’on a reçu.

Alors, s’agit-t-il de l’amour guimauve ? Romantique ? Risible ?

L’amour prend de nombreux visages, comme  soigner la relation, la présence, la disponibilité, ne rien faire ensemble, partager des petits moments de vie, de folie, parler de son cœur et pas de sa tête…

Pour la petite histoire, en thérapie lorsqu’un homme admet avoir consacré la grande partie de sa vie à gagner en pouvoir, en sacrifiant sa vie familiale – à la question … mais pourquoi tout ça, il avoue… « Oui, mon père ne m’a jamais reconnu, ne m’a pas vu, je ne me sentais pas aimé, au contraire rabaissé. »

Derrière toute quête de pouvoir, y’a t-il un cœur blessé, une recherche d’amour désespérée, terriblement maladroite et bien-sûr inconsciente ?

Dans les 5 regrets exprimés chez les vieux messieurs sur leur lit de mort, c’est parait-il, celui de n’avoir pas pu voir leurs enfants grandir qui est en tête de liste.

C’est ce que révèle la fille de Steve Jobs.[1] Son père, sur son lit de mort, regrettait d’avoir été non seulement cruel, mais trop souvent absent durant son enfance. “Je n’ai pas passé assez de temps avec toi quand tu étais petite”.

J’ai entendu Guy Corneau, se référant à un livre collectif [2] dans lequel il parle du moment de sa mort clinique (NDE – expérience de mort imminente), et il dit une chose bouleversante : “La seule chose qui me restait à ce moment du passage, c’était l’amour… l’amour que j’ai donné“.

Une amie thérapeute m’avait posé il y a bien longtemps une question directe et “éveillante” : “dans ta vie aujourd’hui, tu choisis quoi : le pouvoir ou l’amour?“

Oui, dans notre vie et le développement de notre maturité, il y a un moment enfin où il est judicieux de se poser cette question (ou de la poser à un proche), Nous avons le pouvoir et la chance de choisir la réponse, de prendre une décision qui nous amènera à un engagement conscient, au contraire d’être peut-être l’esclave d’une compulsion antique…

Clin d’œil, tous les Sages parlent de l’amour comme d’une force. Le pouvoir de l’amour transforme les relations et le monde, le guérit etc.   

Et vous, dans votre vie, à ce jour, vous optez pour quoi ? Le pouvoir ou l’amour ?

 

The power of love de Frankie goes to Hollywood. Enjoy !

 

[1] Dans ses mémoires baptisés “Small Fry, publié le 4 septembre 2018

[2] Comme Un Cri Du Cœur, six Témoignages, Ed. L’Essentiel, Montréal 1992

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