Souveraineté numérique et dématérialisation au Congo-Brazzaville

Transformation numérique

 

J’ai commencé à écrire ce billet à Pointe Noire au Congo où je suis intervenue dans le premier Forum numérique organisé autour de la dématérialisation et la gouvernance électronique, par le Guichet Unique des Opérations Transfrontalières (GUOT) (10-12 septembre 2018).

Porté par une organisation en charge des échanges commerciaux par voies maritime, fluviale, aériennes et terrestres, ce forum a traité des enjeux stratégiques de la transformation numérique sur le continent africain et en particulier au Congo Brazzaville. Des présentations, retours d’expériences et discussions relatives au droit et à son application, aux développement des infrastructures et des capacités humaines, à la cybersécurité, à la lutte contre la cybercriminalité, aux aspects techniques, organisationnels, procéduraux et financiers du commerce électronique et de la e-administration ont structurés ces trois journées de rencontre.

Experts et participants de grande qualité provenant des pays africains francophones mais aussi de Belgique et de Suisse ont eu l’occasion d’interagir avec les membres et représentants du gouvernement congolais. Plusieurs ministres ont marqué leur intérêt par leur présence prolongée et leur participation aux débats. Ainsi, il fut possible d’entendre le point de vue des des ministres de la Communication et des médias, porte-parole du Gouvernement, de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, de la Santé et de la population et du ministre des Postes, des télécommunications et de l’économie numérique, lors d’une table ronde ministérielle animée par le directeur des informations à la télévision nationale congolaise.

Six piliers fondamentaux de la souveraineté numérique

 

Les thèmes abordés tout au long de ce Forum de la gouvernance numérique concernent également les problématiques liées à la souveraineté numérique, comme exprimé par l’Organisation Internationale de la Francophonie à Genève en décembre 2017, en référence aux piliers fondamentaux de la souveraineté numérique qui ont été définis de la manière suivante:

  • Pilier 1 : innovation et industrie numérique
  • Pilier 2 : sécurité et protection de données (infrastructure, donnée, cyberattaque et cybermenace)
  • Pilier 3 : citoyenneté et éthique numérique (comportement/usage et responsabilité)
  • Pilier 4 : régulation /réglementation
  • Pilier 5 : production et contenus locaux
  • Pilier 6 : inclusion et renforcement de capacités des femmes et des jeunes (femmes, actrices du numérique).

A Pointe Noire, il a été identifié des besoins de trouver des solutions convaincantes pour assurer une transformation numérique du pays, qui tient compte des besoins spécifiques du Congo et des retours d’expériences effectués au niveau régional et international afin d’optimiser la démarche.

Parmi les points importants abordés qui doivent faire l’objet d’attentions particulières et de réalisations concrètes, il a été retenu les suivants :

  • L’économie de la donnée avec la maîtrise du cycle de vie de la donnée (production, collecte, traitement, stockage et exploitation) ;
  • La création de valeurs et le développement économique via le numérique et l’innovation technologique ;
  • La gouvernance pour une souveraineté numérique ;
  • Le financement de l’économie numérique (fiscalité et financements alternatifs, etc.) ;
  • Le développement des infrastructures techniques et des services électroniques adaptés aux besoins de la population notamment pour ce qui concerne les applications administratives (e-administration) ;
  • La construction des capacités humaines (éducation, sensibilisation de la population, formation continue) notamment pour ce qui concerne les jeunes et les femmes ;
  • Le respect des droits humains, de la vie privée, de l’intimité numérique, libertés et autodétermination informationnelle ;
  • L’identité numérique ;
  • La cybersécurité ;
  • La lutte contre la cybercriminalité ;
  • Le droit, la réglementation et la régulation du numérique ;
  • La problématique de mise en place des structures organisationnelles adaptées aux besoins ;
  • L’écosystème numérique global qui intègre l’infrastructure énergétique nécessaire à son bon fonctionnement.

 

Partout dans le monde, s’ouvrent des débats qui questionnent la notion de souveraineté des pays et qui interrogent sur les stratégies, plans d’actions, ressources et compétences nécessaires à la réussite des changements de société consécutifs à la dématérialisation et de l’usage des technologies du numérique.

 

“Le bâton que tu possèdes détermine le serpent que tu peux tuer »

 

Ce dicton africain rappelle la réalité du monde hyperconnecté et interdépendant et celle de l’économie du numérique dominée par des acteurs hégémoniques, réalités qui nous contraignent à trouver des espaces de liberté et d’actions possibles afin de donner un minimum de sens à la notion de souveraineté, d’autonomie et d’indépendance.

 

Solange Ghernaouti

Docteur en informatique, la professeure Solange Ghernaouti dirige le Swiss Cybersecurity Advisory & Research Group (UNIL) est pionnière de l’interdisciplinarité de la sécurité numérique, experte internationale en cybersécurité et cyberdéfense. Auteure de nombreux livres et publications, elle est membre de l’Académie suisse des sciences techniques, de la Commission suisse de l’Unesco, Chevalier de la Légion d'honneur. Médaille d'or du Progrès