Pourquoi la peur est un levier de la cybersécurité mais pas une bonne conseillère

Il semble que l’utopie d’un monde meilleur porter par la cybernétique à son origine, soient de plus en plus remplacée par la peur, la peur des robots, la peur de l’intelligence artificielle, la peur de la fin du travail, la peur des espions et de celle des hackers par exemple.

La peur nous aide à identifier un danger, à mémoriser les conditions dans lesquelles celui-ci est survenu, nous permettant de l’éviter à l’avenir. La peur est un facteur de sécurité, elle permet d’identifier les situations à risques, de les éviter, de s’y préparer et de les affronter, par l’action ou la réaction. En cela elle protège l’être humain depuis la nuit des temps, nous lui devons sans doute notre survie.

Ne pas avoir peur, c’est être vulnérable à un danger, c’est ne pas prendre conscience des risques et donc être dans l’impossibilité de les gouverner et de les mettre sous contrôle.

La peur ne décrit pas une réalité, c’est une perception de la réalité, une émotion, un sentiment. Elle est relative à un risque, réel ou non reflétant un potentiel de danger.

Dans le domaine de la cybersécurité, la peur peut être un levier de la sécurité, de prise de conscience des besoins de sécurité. C’est aussi un instrument au service du commerce de la sécurité et du marché de la sécurité. Marché en pleine expansion qui semble sans limite puisqu’il est là pour durer, la peur aussi d’ailleurs. Toutefois, la peur n’est pas bonne conseillère en matière de cybersécurité.

Ce n’est pas sur la peur qu’il faut implanter des mesures de sécurité qu’elles soient d’ordre juridique, organisationnelles ou techniques, mais sur la réalité des menaces, des risques, des exigences de sécurité, pour atteindre des objectifs de protection et de défense clairement identifiés et évalués.

D’où l’importance de définir, réaliser, tester une stratégie de sécurité et de doter les organisations des instruments de la gouvernance des cyberrisques.

En adoptant des mesures de sécurité, dans l’urgence, en réaction à la survenue d’événements traumatiques, il est probable que ces dernières soient non seulement inefficaces, mais en plus, elles risquent d’être liberticides et contraignantes.

Solange Ghernaouti

Docteur en informatique, la professeure Solange Ghernaouti dirige le Swiss Cybersecurity Advisory & Research Group (UNIL) est pionnière de l’interdisciplinarité de la sécurité numérique, experte internationale en cybersécurité et cyberdéfense. Auteure de nombreux livres et publications, elle est membre de l’Académie suisse des sciences techniques, de la Commission suisse de l’Unesco, Chevalier de la Légion d'honneur. Médaille d'or du Progrès

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