Imaginaires

Mon illusion perdue

Illusions perdues, le film tiré du roman de Balzac, nous oblige à nous poser la question : en va-t-il si différemment dans nos sociétés contemporaines – je parle bien entendu de celles qu’on dit démocratiques, pas de la Turquie d’Erdogan ou de la Russie de Poutine – qu’il en allait dans la France de 1830 ?

Balzac, et le réalisateur du film, Xavier Giannoli, après lui, dépeignent un monde où les journalistes, et en particulier les critiques culturels, sont vendus au plus offrant ; où une pièce de théâtre est applaudie ou sifflée en fonction de la somme payée à la claque mercenaire ; où la décision d’un éditeur de publier ou pas un livre se prend uniquement sur la base des retours d’ascenseur escomptés.

«La presse française n’est plus celle de Balzac. Vraiment ?» se demande Richard Werly dans une chronique récemment parue dans Le Temps (ce dernier 28 octobre). Commentant la décision prise par le quotidien Ouest France de pas publier les sondages relatifs à la prochaine élection présidentielle, l’auteur souligne le rôle aussi obscur que pervers que peuvent jouer ces photographies de l’opinion à un moment donné sur la fabrication des résultats finaux.

Mais il y a aussi, je ne fais que recopier les plus savants et savantes que moi en la matière, l’influence létale des réseaux sociaux, dont la gestion – voir l’état florissant des finances de Facebook (que j’ai personnellement fait le choix, je le précise, de ne pas fréquenter) – répond à l’unique exigence du profit ; et tous les autres trafics d’intérêts, divers et variés, en termes pécuniaires et en termes de pouvoir, qui président à la circulation et à la hiérarchisation des informations et des produits culturels. J’aimerais croire que les avancées de la démocratie, sans doute réelles dans certaines régions de la planète, ont fait d’autant reculer le cynisme, mais c’est mon illusion perdue à moi.

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