Imaginaires

Jean Romain et les femmes afghanes

J’ai failli laisser tomber ma tartine, ce matin 17 août vers les 7h.50, en entendant, dans la Matinale de la RTS-La Première, le philosophe, écrivain et politicien PLR Jean Romain commenter les événements d’Afghanistan. Il y a deux problèmes, a-t-il dit en réponse à la journaliste qui l’interpellait sur le sujet, un problème politique et un problème humain. Le problème humain, si j’ai bien compris son propos, ce sont les femmes, qui vont gravement avoir à souffrir de la prise de pouvoir des Talibans.

Le principe de l’émission, c’est de demander à l’invité.e de s’exprimer, non seulement sur le sujet dont iel est l’expert.e, mais sur d’autres thèmes d’actualité . Il ne faut donc pas en vouloir à Jean Romain, qui était là pour dire tout le mal qu’il pense de la réforme de l’orthographe, s’il n’a rien de particulièrement original à dire sur l’Afghanistan. Mais pour quelqu’un qui se présente comme philosophe et défenseur de la correction du langage, c’est un peu fort de café de ranger la question des femmes afghanes du côté de «l’humain», comme s’il s’agissait de sauver les victimes d’un tremblement de terre.

Ce qui manque encore et toujours, en tout cas chez certain.e.s, dans la perception des discriminations de genre, qu’il s’agisse de celles qui persistent dans nos sociétés occidentales ou de celles, macroscopiques, qui ravagent la vie des habitantes d’autres pays, c’est justement la conscience de leur nature éminemment politique. Il faut arrêter de se lamenter sur ces pauvres femmes afghanes menacées par l’obscurantisme taliban, il faut regarder en face d’où vient cet obscurantisme. Il vient du même lieu d’où venait autrefois le déni de citoyenneté et d’autonomie opposé aux femmes des pays «démocratiques». Il relève, sous une forme exacerbée, de la même structure anthropologique universelle de la domination masculine que nous tentons péniblement de modifier aujourd’hui chez nous.

Rien n’est plus politique que la «question des femmes», en Afghanistan, en Suisse ou n’importe où. Mais c’est évidemment plus confortable de parler d’un problème «humain», ce qui n’oblige pas à réfléchir sur la mutation radicale des rapports de pouvoir qui serait nécessaire pour le supprimer.

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