Imaginaires

Quand j’entends le mot responsabilité individuelle….

….mais non, mais non, je ne sors pas mon pistolet, j’ai une sainte horreur de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une arme à feu, alors pensez-vous. Quand j’entends le mot, ou plutôt l’expression, responsabilité individuelle, je me demande si celles et ceux qui nous cassent les oreilles en la dégainant à chaque coin de phrase sont juste pas très futés ou plutôt de mauvaise foi.

Je porte un masque dans les transports publics. Quand je vais au supermarché, j’essaie de ne pas oublier de me munir d’un sachet en filet réutilisable pour les fruits et légumes en vrac. Je ne triche pas en remplissant ma déclaration d’impôts. En adoptant ces comportements, qui ne dépendent que de moi, je donne ma minuscule contribution à la lutte contre le Covid-19 et à celle contre la pollution de la planète par le plastique, ainsi qu’à la constitution d’un socle de ressources destinées à financer des biens communs. Mais ma bonne volonté ne servirait à rien, ou ne pourrait même pas se manifester, s’il n’existait pas des structures collectives engagées dans la mise en place d’une politique sanitaire, dans l’organisation de l’emploi des recettes fiscales – voire dans la production et la commercialisation  de sachets en filet réutilisables.

La responsabilité individuelle, c’est bien, mais l’invoquer à tout bout de champ comme si elle pouvait se substituer à la responsabilité sociale et politique des entreprises et de l’Etat, c’est l’enième version d’un tour de passe-passe séculaire : faire croire aux gens que vouloir c’est pouvoir, tout en les dépossédant du pouvoir de vouloir.

En italien, on dit arrampicarsi sugli specchi, grimper sur les miroirs, pour désigner la périlleuse opération consistant à défendre un point de vue avec des arguments tordus : on glisse et ça se casse en mille morceaux. C’est tout ce que je souhaite aux opposants à l’initiative «Pour des multinationales responsables», qui justement met en valeur l’irremplaçable dimension collective de la responsabilité –  en démocratie, une valeur avant tout  politique.

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