Imaginaires

De la peur de la mort

Parmi les leçons qui seront à tirer de la gestion de la crise par nos autorités, il y a celle de l’extrême difficulté de communiquer sur la peur de la mort. Il faut en distiller suffisamment pour que les gens respectent les consignes, mais en évitant de créer la panique. Il faut faire avec un manque gênant de certitudes scientifiques. Et il faut, surtout, standardiser le message, alors que tout le monde n’a pas la même relation à la mort.

C’est le problème de toutes les démarches de prévention, collectives ou individuelles. Il existait avant la pandémie, mais la pandémie l’a mis en pleine lumière. Les jeunes, dans l’ensemble, se croient immortels, c’est de leur âge. Les vieux, par contre, devraient savoir qu’elles et ils vont mourir un jour, mais le discours sanitaire officiel – pour la bonne cause, on est d’accord – parle de la mort comme d’une anomalie évitable. La médecine est prise au piège. Pour convaincre les gens de se protéger, contre le Covid-19 ou autre chose, elle est obligée de faire semblant de croire que la mort pourra être tenue en respect indéfiniment.

«Fumer tue». Certes, fumer, boire beaucoup d’alcool ou choper le Covid-19 impliquent un risque de mourir plus tôt que si on ne fumait pas, on ne buvait pas d’alcool et on ne chopait pas le Covid-19. Toutes conditions égales par ailleurs (génétique, état général de santé, autres habitudes de vie, sexe, statut socioéconomique etc.), ce qui est impossible à établir. Le message doit être simplifié, alors que le risque est quantitativement indéterminé. Et l’efficacité du message dépend non seulement de la structure psychique des individus, mais aussi de leur positionnement existentiel.

Parce que ne pas fumer, ne pas vider son litre (ou plus) quotidiennement et réussir à échapper au virus qui rôde, ça ne garantit pas la vie éternelle (sur cette terre). Dès lors, la pesée individuelle des intérêts, chez une partie de la population, ne penche pas forcément du côté de la peur de la mort.

La peur de la mort, d’ailleurs, est-ce bien le terme exact ? Il fut un temps où, dans nos sociétés chrétiennes, les gens avaient peur de mourir parce qu’ils avaient peur d’aller en enfer. Un supplice éternel, effectivement, ça a de quoi terrifier. Aujourd’hui que la plupart d’entre nous ne croient plus ni à l’enfer ni au paradis, je me demande si plus que de peur, il ne faudrait pas plutôt parler de la tristesse de devoir, une fois, quitter la vie.

PS Pour l’instant ça va bien, merci, juste envie d’un peu philosopher.

 

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