Imaginaires

Quarantaine

Hier et ce matin, j’ai téléphoné aux différentes personnes avec qui j’avais rendez-vous cette semaine. Je suis rentrée dimanche d’Italie (non sans difficultés), ce qui risque déjà de susciter la méfiance. De plus, là-bas, j’ai fait une petite bronchite, vite passée. Je me suis fait ausculter par un médecin italien, tout va bien, pas l’ombre d’un coronavirus à l’horizon, mais j’ai quelques restes de toux, je suis un peu enrhumée, je ne voudrais pas vous mettre dans l’embarras… Effectivement, a été la réponse unanime, nous nous passons volontiers de vous voir. Et mieux vaut aussi, paraît-il, se tenir a distance de la famille, pour l’instant.

J’ai de la chance, j’ai un appartement confortable et surtout un métier – j’écris des livres – que je peux pratiquer chez moi à volonté, sans même devoir mettre en place du télétravail. Je suis un peu déprimée par l’annulation, à vues humaines, de toutes les présentations de mon roman en italien (qui étaient le but de mon voyage), mais c’est évidemment un malheur infime en comparaison de l’état général du monde. Je ne pense pas seulement à la crise sanitaire et à ses effets économiques, je pense surtout à tous ceux et toutes celles qui sont en détresse sur la planète, et dont on va maintenant s’occuper encore moins qu’avant –en première ligne, les martyrs de Lesbos.

Ce qui me fait bizarre, c’est l’absence de pression, une situation à laquelle je ne suis pas habituée, comme toutes les personnes actives dans notre société. Le temps n’est pas vide – je peux travailler et ce n’est pas le travail qui manque, lire, ranger mes papiers et pourquoi pas ma cave, téléphoner, m’appliquer à mettre en route ma nouvelle imprimante ; il est plutôt étrangement élastique, distendu – détendu ? On peut s’arranger pour se passer de moi partout, et je ne suis pas sûre que cela me fasse vraiment plaisir.

Je rêvasse sur ce temps suspendu par obligation, coup d’arrêt à la machine de mes activités sociales, dont il s’avère que la plupart ne sont pas vraiment indispensables. Est-ce que cela va m’inciter, au moment du retour à la normale, à laisser mieux respirer mon agenda ? Pas sûr, tant il est vrai que faire des choses avec les autres est indispensable à notre survie d’animaux sociaux.

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