Imaginaires

On a le Noël qu’on peut

Il y a quelques semaines, j’avais mis de côté un encart publicitaire sur le thème de Noël, quatre grandes pages émanant d’une grande entreprise de décoration. C’était rose, argenté, sirupeux, ouaté, dégoulinant. Comme en plus, par malheur, je n’aime pas les macarons, je m’étais dit que j’allais en faire mon point de départ pour une chronique bien sentie sur la guimauve de Noël. Eh bien, c’est raté. J’ai fini par le jeter, en sortant du concert d’un chœur d’enfants où j’ai chanté, moi aussi, de tout mon cœur et à pleins poumons, Les anges dans nos campagnes.

C’est ennuyeux que dans notre culture les bons sentiments soient associés aux confiseries, ainsi qu’à des légendes tout aussi sucrées de petit roi de l’amour (garçon) né dans la paille, fruit des entrailles d’une maman mère de Dieu – mais les bons sentiments, après tout, valent mieux que les mauvais. Sur un autre registre, pas incompatible (car l’âme humaine est une auberge espagnole), c’est ennuyeux que la coutume des cadeaux, censée prouver à ses proches qu’on leur veut du bien, soit devenue la honteuse foire consumériste que l’on sait – mais qui peut se permettre d’affirmer que sous le rite social ne persiste pas, dévoyée et maladroite, une certaine forme d’expression de l’amour ?

On a le Noël qu’on peut, avec ses remugles mélangés de bâtons de cannelle et de fric gaspillé, sa sainte famille périmée et toutes les autres, que les saintes de service essaient de recomposer. La boîte aux lettres déborde de demandes de dons assorties de cartes que plus personne n’envoie. Nostalgiques, pressés, des étoiles plein les yeux et des quadratures du cercle plein le dos, au mois de décembre les humains occidentaux privilégiés se débattent dans un fritto misto d’émotions contradictoires.

J’en connais qui militent pour la suppression de Noël, cette mythologie saisonnière de l’amour du prochain, or, myrrhe, encens et champagne en action. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Cette vieille histoire fait partie de moi, avec ses fables enfantines, le Messie de Händel, le panettone, la symbolique du solstice – et aussi avec ses distorsions contemporaines, qui ne font d’ailleurs que prolonger les précédentes. On a le Noël qu’on peut, avec sa magie frelatée, mais je préfère ce Noël-là à rien du tout.

 

 

 

 

 

 

 

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