Imaginaires

L’imaginaire et les vibromasseurs

Je rêvasse en faisant la queue avec mon ticket numéro 67 à la pharmacie de la gare de Lausanne. Je repense mollement à un article lu il y a quelques jours dans Le Temps, où il était question d’une initiative lancée outre-Atlantique pour dénoncer le traitement stéréotypé, voire offensant, des personnages féminins chez de nombreux auteurs masculins de romans, y compris à succès. Le propos de la dame états-unienne qui s’indigne du machisme des écrivains me paraît un peu court, ne faudrait-il pas l’étendre à la problématique beaucoup plus générale de la domination de l’imaginaire masculin en littérature, qu’il s’agisse des femmes, du baseball ou de la chasse à l’ours? Mais ma journée est chargée, cette attente à la pharmacie, c’est presque une petite récréation et je ne me sens pas en veine de réflexions pointues.

Comme nous n’en sommes encore qu’au ticket numéro 61, je me promène un peu dans les travées de la pharmacie, où c’est l’imaginaire féminin qui triomphe. Des dizaines de crèmes à l’allantoïne ou à l’acide hyaluronique me promettent un lissage spectaculaire de ma «peau mature». L’imaginaire des petites filles est aussi titillé, via leurs mères : on leur propose un produit spécifique pour la toilette intime à utiliser «dès 3 ans». Sur la boîte, l’image d’une enfant en âge clairement préscolaire, portant un peignoir à capuchon rouge qui fait soupçonner la présence du loup dans les parages. Mais tiens, c’est quoi, ça, entre les tests de grossesse et les préservatifs ? Des vibromasseurs ! Je n’en avais jamais vu exposés dans les pharmacies que je fréquente habituellement. Et pourquoi pas.

La marque en question aligne quatre modèles, l’un orange (minivibro pour débuter), le deuxième violet (classique), le troisième rose (clitoridien) et le quatrième jaune (stimulateur du point G). Mais ce qui est le plus intéressant, ce sont les noms attribués à ces objets, dans l’ordre : le Surfeur, Le Millionnaire, le Pompier et le Prof de tennis. Et dire qu’il y a cinq minutes je gambergeais sur les fantasmes masculins, sexuels ou non, qui squattent abusivement la littérature mondiale !

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