Imaginaires

Livre sur les Quais: honneur aux lectrices!

Et aux lecteurs, bien sûr. Mais s’il y a un domaine où le féminin s’impose comme universel, c’est bien celui de la lecture. Ce dimanche soir, au terme de mon marathon d’écrivaine romande de base sur les quais de Morges, je ne peux pas m’empêcher de faire un constat : celui du déséquilibre des genres dans le public que j’ai vu défiler, trois jours durant, devant les tables de dédicaces, ou participer à des rencontres.

La plus grande partie des 40.000 personnes qui ont fait le déplacement de Morges était constituée de femmes de tous les âges, seules ou avec des copines, des collègues, des belles-sœurs. Compétentes et passionnées, posant des questions, lisant avec attention la quatrième de couverture des livres, achetant ou pas mais souvent désireuses d’en savoir plus sur l’ouvrage qui a attiré leur attention, pour le plus grand bonheur des autrices et auteurs, qui se sentent ainsi reconnus et respectés.

Des visiteurs hommes, bien sûr, il y en avait, certains non-lecteurs, venus seulement pour accompagner une femme, d’autres mus par le même amour des livres que les visiteuses – mais beaucoup, beaucoup moins nombreux, la disparité crevait les yeux.

Difficile d’expliquer en peu de mots pourquoi les femmes lisent plus (notamment de littérature) que les hommes. Peut-être qu’elles privilégient l’enrichissement intérieur qu’apporte la lecture, notamment de romans, plutôt que les enjeux de domination sociale ou les préoccupations utilitaristes qui squattent par atavisme l’esprit des hommes. Peut-être que la discrimination dont elles ont toujours été victimes leur a permis – heureux avantage collatéral – de développer plus que les hommes leur imagination, faculté indispensable pour s’intéresser aux histoires des autres. Peut-être que, aussi, le rôle de consommatrices qui leur a été traditionnellement attribué s’est désormais étendu à ces biens précieux entre tous que sont les biens culturels.

Si cette dernière hypothèse était fondée (parmi les autres), cela permettrait aussi de comprendre pourquoi, en revanche, un salon comme Le Livre sur les Quais continue à mettre plus en avant les producteurs de littérature que les productrices : l’égalité numérique n’est pas encore tout à fait réalisée parmi les invité.e.s et, surtout, les auteurs hommes sont outrageusement majoritaires dans les événements considérés comme les plus prestigieux, croisières et grands débats. Une forme atténuée, mais encore existante, d’une répartition ancestrale des tâches ?

En attendant qu’elle soit corrigée, rendons honneur aux lectrices, à leur curiosité et à leur créativité, sans lesquelles non seulement le marché du livre mais la transmission du patrimoine écrit s’effondreraient.

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