Imaginaires

Merci, Laure Adler, l’imaginaire, il n’y a que ça!

AAAAHHHH !!!!! Comme j’étais seule dans la pièce, j’ai pu pousser ce cri primal, non de terreur mais de satisfaction, en lisant l’interview de Laure Adler dans l’édition de ce jeudi 17 janvier du Temps. En particulier cette phrase : «Il faut faire plus confiance aux femmes à la fois dans leur scientificité, leur rigueur, leur intellectualisme, mais aussi dans leur imaginaire.» Moi qui ai intitulé ce blog Imaginaires, quand on m’a proposé de le tenir il y a trois ans, une phrase de ce genre, je l’attendais depuis longtemps.

La culture, c’est un champ relativement peu labouré par le féminisme, mainstream mais aussi académique, au moins pour trois raisons. Primo, c’est un domaine où, avec raison, la notion de justice n’a pas cours : le talent ne se mesure pas et le succès, comme l’amour, est enfant de Bohème et n’a jamais connu de lois. Deuxio, la culture est invisible : on voit ses produits, les œuvres, on les consomme, on en jouit, mais qui a envie de se gâcher le plaisir en allant farfouiller dans le terreau qui les nourrit ? Et tertio, la culture, c’est plus vieux que les murs de Troie, c’est notre passé, c’est là d’où nous venons, nous en avons toutes et tous besoin pour trouver notre place dans la vie.

«C’est l’histoire de la domination masculine, dit Laure Adler. Pour pouvoir créer, les femmes doivent sortir leur univers symbolique de leur tête, de leur cerveau, représenter le monde autrement que ce qu’elles voient.» Ce qu’elles voient, c’est le monde tel qu’il est représenté depuis toujours, Eve et la pomme, Blanche-Neige avec seau et balai, souvent femme varie et fol est qui s’y fie, va voir maman papa travaille etc. Renverser tout ça, c’est les douze travaux d’Herculine. Mais il y en a, des braves qui ont commencé, comme par exemple (citée par Laure Adler) la sculptrice Louise Bourgeois avec son araignée monstrueuse, sobrement intitulée : Maman.

L’imagination des femmes, dit encore Laure Adler, «peut nous aider à vivre plus intensément le monde». Je ne suis personnellement pas convaincue que l’imaginaire féminin et l’imaginaire masculin soient définitivement complémentaires, je pense plutôt que si un jour (lointain), l’imaginaire réprimé des femmes acquiert autant d’autorité que celui des hommes, la grande aventure de l’imaginaire humain prendra d’autres chemins. Mais pour l’instant, nous en sommes encore à considérer comme universel l’imaginaire d’une moitié de l’humanité.

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