Les non-dits de l'économie

Credit Suisse et le casino de la finance globale

La restructuration de Credit Suisse pourrait coûter très cher, ne serait-ce qu’à ses collaboratrices et collaborateurs à travers le globe, mais peut-être également à une partie non-négligeable de sa clientèle privée, voire, en fin de compte, à l’ensemble des contribuables en Suisse.

Tout d’abord, une part significative du personnel travaillant pour Credit Suisse va devoir passer à la trappe, bien que la majorité de cette force de travail ne soit aucunement responsable des graves problèmes financiers que son licenciement est censé aider à résoudre, mais qui découlent en réalité des choix des hauts dirigeants de cette banque d’origine suisse – qui n’a aujourd’hui de suisse que le nom.

Cette situation peut en outre engendrer une augmentation des coûts pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, qui voudront ou devront chercher une autre banque auprès de laquelle obtenir les lignes de crédit nécessaires pour le financement de leur propre production. Ce changement d’établissement bancaire comporte en général une augmentation du taux d’intérêt débiteur, étant donné que la nouvelle banque ne connaît pas l’historique de l’entreprise débitrice. De là un facteur supplémentaire tirant les prix à la consommation vers le haut, dans la mesure où les entreprises qui seront amenées à payer des taux d’intérêt plus élevés vont de ce fait renchérir les prix de vente de leurs biens ou services. C’est par conséquent l’ensemble des consommateurs en Suisse qui en sera négativement affecté, à une époque où les facteurs du renchérissement du coût de la vie sont déjà nombreux et difficiles à résoudre pour le bien commun.

Qui plus est, on ne peut pas exclure que la Confédération – avec le support de la Banque nationale suisse (BNS) – doive intervenir pour « sauver les meubles » de Credit Suisse, notamment en ce qui concerne la gestion patrimoniale, quitte à abandonner une grande partie des activités de sa banque d’investissement, activités qui sont à l’origine de ses problèmes financiers. À cet égard, le plan de sauvetage d’UBS (en octobre 2008) pourrait inspirer les autorités fédérales, avec l’espoir (qui n’a cette fois que peu de chance de se concrétiser) de réaliser somme toute des bénéfices. C’est ce qui semble avoir été le cas lors de la liquidation des actifs toxiques que UBS avait pu mettre dans une « bad bank » appelée SNB StabFund, où SNB est l’acronyme anglais de la BNS – le même acronyme de la Saudi National Bank, à savoir la plus grande banque commerciale d’Arabie saoudite devenue récemment le premier actionnaire de Credit Suisse, avec presque 10% du stock de son capital-actions.

Comme l’a expliqué le professeur Marc Chesney dans Le Temps du 14 octobre 2022, les difficultés financières de Credit Suisse illustrent la débâcle de Casino Suisse. Il serait judicieux que les responsables de Credit Suisse le reconnaissent et changent leur fusil d’épaule avant qu’il ne soit trop tard pour l’avenir de cette banque ainsi que pour une grande partie de sa force de travail. Or, le plan de restructuration annoncé à la fin du mois passé ne laisse présager rien de bon pour l’ensemble des parties prenantes. Le risque que les contribuables suisses soient à nouveau contraints de passer à la caisse afin d’éviter la mise en faillite d’une institution financière aussi importante sur le plan systémique ne peut désormais plus être écarté.

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