Les non-dits de l'économie

Poutine et le nouvel ordre monétaire international

La décision de Poutine, annoncée il y a environ un mois, selon laquelle les paiements pour les exportations de gaz et de pétrole russes devront être effectués en roubles et non plus en dollars américains, a créé une certaine agitation sur les marchés des devises et sur la scène géopolitique mondiale.

Avec cette décision, Poutine veut faire apprécier le taux de change de la monnaie russe (qui avait baissé de manière considérable à la suite de l’invasion de l’Ukraine) et augmenter les recettes tirées de l’exportation de ces matières premières vers les pays occidentaux, avec lesquels financer les dépenses publiques de l’économie russe, qui va être lourdement frappée par les sanctions liées à la guerre en Ukraine.

À plus long terme, la décision de Poutine pourrait entraîner un changement structurel du régime monétaire international, actuellement basé sur le dollar américain, qui influence l’économie globale depuis cinquante ans. Rappelons que le secrétaire d’État américain de l’époque, John Connally, avait fait remarquer en 1971 aux représentants des autres pays membres du G-10 que «le dollar est notre monnaie mais votre problème». C’est en effet un problème pour tous les pays exportateurs lorsqu’ils reçoivent des États-Unis l’image d’une promesse de paiement en échange d’une série de biens ou de services que ces pays ont vendus aux Américains. Ce faisant, les agents économiques aux États-Unis ne cèdent rien lorsqu’ils importent des produits de l’étranger. En y regardant de plus près, ils ne renoncent pas non plus aux dépôts bancaires libellés en dollars, car tous les dépôts en monnaie nationale ne peuvent se trouver que dans le système bancaire où ils ont été créés – même si des billets en dollars américains peuvent circuler à l’étranger ou si des droits de propriété peuvent être enregistrés à l’étranger concernant des dépôts auprès de banques aux États-Unis.

Pour éviter ce que le célèbre économiste français Jacques Rueff appelait des «déficits sans pleurs» dans la balance des paiements des États-Unis, il faut une réforme structurelle du régime monétaire international. Au lieu d’utiliser une monnaie nationale (comme le dollar américain, l’euro ou le franc suisse), les nations doivent logiquement payer toutes leurs importations dans une monnaie véritablement supranationale, indépendamment du statut «fort» ou «faible» de leur propre monnaie.

Il ne s’agit donc pas de remplacer le dollar américain par la monnaie chinoise ou russe, mais de convenir de l’émission d’une monnaie par une institution monétaire internationale – qui pourrait être la Banque des règlements internationaux à Bâle. Le jour où cette banque émettra de la monnaie et permettra ainsi aux banques centrales nationales de payer et d’être payées pour le commerce international de leurs pays respectifs, un véritable ordre monétaire international sera établi car aucun pays ne pourra vivre au-dessus de ses propres moyens.

Peut-être qu’après cette guerre monétaire, il y aura une paix monétaire internationale…

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