Les non-dits de l'économie

La pandémie n’est pas terminée, mais l’État se retire

Les décisions annoncées il y a un mois par le Conseil fédéral concernant l’abandon d’une grande partie des mesures de protection contre la pandémie de coronavirus en ont surpris plus d’un, tant au niveau du calendrier que de la portée de ces mesures.

Jusqu’à quelques jours auparavant, les autorités fédérales avaient en effet incité la population, et en particulier les personnes à risque, à se faire vacciner pour la troisième fois, compte tenu également du fait que dans les pays voisins, principalement en Italie, les restrictions pour les personnes non vaccinées imposent des contraintes importantes tant aux individus qui travaillent qu’à ceux qui utilisent les transports publics.

La décision du gouvernement fédéral d’abolir (du jour au lendemain) l’obligation pour les personnes souhaitant entrer dans des lieux publics de présenter leur certificat de vaccination, ainsi que l’obligation de porter un masque dans ces lieux et dans les magasins de toutes sortes, a sans doute soulagé de très nombreux commerçants ainsi que les propriétaires des entreprises qui espèrent ainsi augmenter leur chiffre d’affaires et donc aussi leurs profits à court terme.

Ce sont peut-être ces objectifs qui ont incité le Conseil fédéral à décider le «Freedom Day» de manière aussi abrupte. Si tel était le cas, les intérêts économiques auraient devancé les intérêts sanitaires (et ce ne serait pas la première fois en ces deux années de pandémie), adoptant une vision de court terme dans la mesure où celle-ci ignore les risques et les coûts exorbitants encourus si la pandémie devait reprendre de l’ampleur suite à l’abandon des principales mesures sanitaires, décidé le 16 février au niveau fédéral.

Il est également surprenant que le jour même où le Conseil fédéral a décidé de supprimer l’obligation d’avoir un certificat de vaccination et un masque pour entrer dans les lieux publics et les commerces, on ait annoncé que les comptes publics de la Confédération pour l’année écoulée présentaient un déficit d’environ 12 milliards de francs (le double de ce qui avait été budgété par les autorités fédérales).

Si l’on fait le calcul, on peut donc supposer que l’abandon soudain de presque toutes les mesures de protection contre le Covid-19 décidé par le Conseil fédéral le 16 février est le résultat de deux objectifs non déclarés mais convergents: d’une part, réduire rapidement le déficit des comptes publics de la Confédération, afin d’éviter que l’État n’augmente son endettement (compte tenu de la volonté de la majorité politique d’éviter toute augmentation de la charge fiscale des contribuables aisés, dont une partie a largement bénéficié des choix de politique économique mis en œuvre depuis le déclenchement de la crise de 2008 au niveau global); d’autre part, l’objectif de laisser le «libre marché» dicter sa loi apparaît clairement, même si cela peut nuire gravement à la santé de nombreuses personnes (qui sont aussi des consommateurs et des contribuables, de manière générale).

En clair, nous en revenons au dogme du «moins d’État et plus de marché», qui (comme nous l’avons vu depuis longtemps) ignore le bien commun.

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