Les non-dits de l'économie

Le bitcoin n’est pas une tulipe!

Les «cryptomonnaies» ont pris de l’ampleur en ces temps de pandémie et de paiements électroniques pour garantir le respect des distances physiques entre le payeur et le payé. À cet égard, le Grand Conseil tessinois vient d’accepter le lancement d’un projet pilote permettant de payer en bitcoins une partie des charges fiscales des contribuables.

Le sujet des «cryptomonnaies» est complexe et suscite beaucoup d’intérêt pour différentes raisons qui, au-delà de l’économie, concernent aussi la politique et la technologie. Néanmoins, l’essence de ce sujet est d’ordre macroéconomique, c’est-à-dire qu’il s’agit d’assurer le fonctionnement correct du trafic des paiements, afin de garantir la finalité de ceux-ci et, de là, assurer la stabilité financière de l’ensemble du système économique.

Le bitcoin (la «cryptomonnaie» la plus fameuse) ne permet aucunement de garantir ladite stabilité, ni le fonctionnement ordonné du système des paiements, parce que, en réalité, il ne s’agit pas d’un moyen de paiement mais d’un objet qui attire les spéculateurs, surtout lorsqu’ils observent que son prix de marché suit une tendance à la hausse à court terme.

Comme le savent les historiens de l’économie, un phénomène analogue fut déjà observé au XVIIème siècle aux Pays Bas, lorsque le prix des tulipes atteignit (en 1635–36) des niveaux exorbitants, bien au-delà du prix des biens de luxe comme des bijoux ou des châteaux. En 1637, toutefois, cette manie des tulipes termina de manière brutale, lorsque leur prix chuta de manière rapide et vertigineuse, entrainant des pertes financières énormes pour bien des personnes qui s’étaient laissé attirer par cette première bulle spéculative du système capitaliste.

L’État du Canton du Tessin, en réalité, ne va rien gagner en permettant à ses contribuables de payer une partie de leurs charges fiscales en bitcoins. Afin d’éviter justement le risque de change – entendez le risque de perdre de l’argent lorsque les bitcoins sont convertis en francs suisses –, l’État tessinois va demander à une entreprise privée de transformer immédiatement en francs suisses les sommes que les contribuables payeront en bitcoins. Or, cette intermédiation financière ne sera pas gratuite, car l’État devra payer une commission (de l’ordre d’un pour cent) à cette entreprise, perdant dès lors de l’argent qu’il aurait pu encaisser si ces charges fiscales étaient payées en francs suisses plutôt qu’en bitcoins.

Le problème auquel l’État, pas seulement au Tessin, devrait faire face sérieusement ne concerne pas la monnaie mais le revenu: afin de relancer les activités économiques, le secteur public doit, d’un côté, dépenser davantage au bénéfice de la collectivité et, de l’autre côté, redistribuer le revenu et la richesse de manière à soutenir les dépenses de consommation des ménages – et, de là, les entreprises – qui ne pèsent aucunement sur l’environnement. Dans ce cas, alors, les «cryptomonnaies» comme le bitcoin devraient être complètement interdites, vu que leurs systèmes de paiement consomment inutilement beaucoup de courant électrique et de ce fait – contrairement aux tulipes – nuisent à l’environnement.

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