Les non-dits de l'économie

L’endettement privé comporte un risque systémique

Le mois passé, deux chercheurs travaillant pour Avenir Suisse ont publié un article dans lequel ils font remarquer la forte augmentation de la dette privée en Suisse par rapport à la croissance économique mesurée par le Produit Intérieur Brut (PIB). Comme les auteurs le mettent en lumière, ce qui préoccupe le plus, c’est l’endettement des personnes physiques par rapport au PIB, étant donné que ce rapport a augmenté de 30 points de pourcentage depuis l’éclatement de la crise financière globale en 2008 et de nos jours représente plus de 130 pour cent du PIB helvétique.

Au-delà de la forte augmentation de l’endettement privé par rapport au revenu national, il convient de considérer l’objet de cet endettement. Contracter une dette pour acheter un logement n’est pas un problème d’ordre macroéconomique, pour autant que la dette hypothécaire corresponde à la valeur réelle du bien immobilier – même si cela pourrait représenter un problème pour le débiteur, lorsqu’il n’arrive pas à payer les intérêts et les amortissements à leur échéance. Le problème pour l’ensemble de l’économie nationale apparaît lorsqu’un nombre élevé de débiteurs hypothécaires ne sont plus capables de refinancer leurs propres dettes et que cela fait éclater une crise immobilière frappant aussi les banques et le secteur immobilier. À ce point, la crise bancaire qui en découle affecte l’ensemble du système économique, au vu du rôle essentiel des banques pour le fonctionnement de ce système.

Quelque chose d’analogue pourrait désormais naître aussi de l’endettement des entreprises, dans la mesure où les crédits que les banques ont octroyés aux entreprises – en partie grâce au cautionnement de la Confédération après l’éclatement de la pandémie de Covid-19 – ne seront pas remboursés, suite à l’augmentation du nombre de petites ou moyennes entreprises devant être mises en faillite. Une partie considérable de ces prêts seront alors transformés en aides publiques à fonds perdu (surtout pour les entreprises qui n’étaient pas «compétitives» déjà avant le confinement), transférant dès lors sur le dos des contribuables les coûts de ces faillites, suivant le principe de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes.

L’endettement des ménages et des entreprises en Suisse représente désormais un facteur de risque systémique, a fortiori considérant les conséquences macroéconomiques de la pandémie de Covid-19. Cette situation est due à la pensée dominante, qui veut «moins d’État et plus de marché», mettant ainsi sur le dos des débiteurs privés une partie du poids de la dette qui serait mieux supportée par le secteur public – en Suisse comme ailleurs. Sans endettement il n’y a pas de croissance économique, mais le poids de la dette doit être distribué de manière correcte à travers l’ensemble des parties prenantes car sinon l’on crée les bases pour faire enfler des bulles du crédit qui, lorsqu’elles éclatent, provoquent des dommages à l’ensemble du système économique.

Les banquiers et les policien.ne.s au gouvernement devraient le savoir et agir de manière conséquente.

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