Les non-dits de l'économie

Monnaie, crédit et bien commun

John Maynard Keynes observa que «s’il est une chose qui ait perdu plus d’hommes que l’amour, c’est l’argent.» Il est en effet indubitable que l’argent est au centre de la société contemporaine, au sein de laquelle les banques peuvent émettre des sommes de monnaie sans aucune limite, lorsqu’elles décident d’octroyer une ligne de crédit à n’importe quel agent économique (à savoir, les entreprises, les ménages, le secteur public ainsi que les institutions financières dont les banques elles-mêmes). L’évolution de n’importe quelle activité économique dépend avant tout du crédit bancaire, parce que les entreprises ne peuvent rien produire si les banques refusent de leur octroyer des crédits pour payer les coûts de production. Aucune entreprise n’utilise en effet ses fonds propres pour ce faire, parce que cela ne lui permettrait pas de durer longtemps dans le système économique.

Or, si les banques abusent de leur capacité à octroyer des crédits, notamment lorsqu’elles exploitent cette capacité pour faire les intérêts de leurs managers et actionnaires au lieu de contribuer au bien commun, l’ensemble du système économique devient de plus en plus fragile sur le plan financier, étant donné que cela fait alors augmenter la masse monétaire de manière plus que proportionnelle à l’augmentation du revenu national. Cette masse monétaire excédentaire enfle alors les prix des actifs financiers, comme les titres cotés en Bourse, sans aucun lien avec la situation de l’économie «réelle» et son évolution. Toutes les crises financières récentes ont été engendrées par les crédits excessifs que les banques ont octroyés, sachant qu’en cas de problèmes majeurs elles pouvaient compter sur l’aide de la banque centrale, voire l’intervention de l’Etat pour éviter leur propre faillite.

Les propositions de réforme du système bancaire ne manquent pas et leur nombre a augmenté suite à l’éclatement de la crise financière globale en 2008. En Suisse, l’initiative «Monnaie pleine» propose une réforme radicale sur le plan monétaire, parce qu’elle veut attribuer seulement à la banque centrale la possibilité d’émettre des sommes de monnaie dans l’ensemble de l’économie nationale. Vu que les banques continuent à abuser de leur pouvoir «monétatif», la réforme proposée par l’initiative «Monnaie pleine» revient à soustraire le levier monétaire aux banques, pour le confier à titre exclusif à la Banque nationale suisse (BNS). Au-delà de l’émission des billets de banque et à la mise en circulation des pièces de monnaie métalliques, la BNS va ainsi émettre toute la monnaie scripturale dont l’économie suisse a besoin pour mener à bien l’ensemble de ses activités. Les partisans de cette réforme veulent ainsi garantir que l’émission monétaire se fasse dans l’intérêt général et selon les besoins de l’économie «réelle», au lieu de satisfaire les intérêts des élites financières au détriment du bien commun.

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