L'oeil du Paon

Le rond-point

Avez-vous déjà observé ce qui se déroule au niveau humain dans un rond-point ?

Techniquement le rond-point est conçu pour pouvoir circuler de façon fluide sans avoir besoin de signalétique. La règle du jeu est simple, connue de tous. Potentiel problématique : faible à très faible. En théorie.

Parce que, si on regarde de plus près le comportement des conducteurs qui s’y croisent et entrecroisent, on observe un jeu des places à prendre parfois assez éloigné de la formalité circulationnelle

En principe l’entrée dans un rond-point devrait ressembler à ceci : je m’approche du point d’entrée, j’observe les véhicules déjà engagés, qui ont la priorité ; mon tour arrive, les autres conducteurs ralentissent afin que je puisse m’insérer en douceur, et vogue le navire !

Ce n’est pourtant pas ce que j’expérimente la plupart du temps. Ma première roue délicatement engagée sur la tangente du grand cercle de bitume, voilà que celui qui arrive se sent envahi dans son espace qu’il pensait visiblement réservé à son seul usage. Au lieu de ralentir, il fonce droit sur moi et commence à s’agiter, à gesticuler. Je crois même deviner des insultes légèrement misogynes sur ses lèvres… » Il n’en faut pas plus pour que mon sang de femme ne fasse qu’un tour, alors, oui je l’avoue, il m’arrive de mettre un coup d’accélérateur pour m’imposer. Parfois, je cède, fatiguée de cet éternel combat pour l’égalité et l’équité, et dont la route n’est que l’énième de ses champs de bataille. Ou est-ce moi qui vois le sexisme partout ? Après tout, pas besoin d’être macho pour être un grossier personnage.

Il y a aussi ceux qui attendent, attendent et attendent encore avant d’entrer dans le rond-point, jusqu’à ce qu’une bonne âme ralentisse ou qu’il n’y ait plus la moindre voiture à l’horizon. Ils ont toutes les difficultés du monde à se lancer, hésitent, laissent passer, font des politesses, patientent jusqu’à ce que tous les usagers du rond-point, passés, présents et à venir, aient pris leur place. Et se font copieusement houspiller par les conducteurs qui ont le malheur d’être derrière et de devoir subir ces atermoiements totalement superfétatoires.

Ou alors, il y a ceux qui sont engagés dans le rond-point et qui, plutôt que d’assumer leur égoïsme débridé, feignent de ne pas voir les autres, comme pour se donner bonne conscience, genre… « aaaah, tu voulais entrer dans le rond-point, désolé, j’ai cru que tu étais garé(e). Sinon, tu penses ! »

Trouver sa place dans la vie est souvent une question épineuse. Certains en prennent trop, d’autre s’effacent, d’autres encore s’épuisent à la revendiquer sans succès.

Comme dans un rond-point, prendre sa place est censé se faire de façon fluide, et comme dans un rond-point, ce n’est souvent pas le cas.

On en revient toujours à Darwin, les plus forts survivent les autres s’adaptent ou meurent.

Je suis peut-être idéaliste, mais je crois au contraire qu’une place nous est attribuée dès la naissance et que si tout le monde prenait un peu de hauteur pour observer le système dans sa totalité, les places pourraient être distribuées de façon équilibrée dans le grand théâtre de l’existence. Et la circulation dans le rond-point de la vie serait simple, sans accroc ni friction.  Alors qui sait, la prochaine fois que vous approcherez un rond-point, peut-être y porterez-vous un regard différent ?

Sabrina Pavone

 

Quitter la version mobile