La Suisse et le monde

Poutine passe à l’acte, et nous?

Il s’était minutieusement préparé. Eteint les derniers feux de la société civile en Russie, aligné les parlementaires, verrouillé toute liberté d’expression et toute contestation, fait condamner Navalny à la prison à vie, bétonné sa présidence au moins jusqu’en 2034, s’est assuré du soutien de son double, le dictateur et président à vie chinois. Il fallait juste attendre la fin de l’hiver… et la demande à l’aide des pseudo-républiques créées à cette fin dans le Sud-Est de l’Ukraine, méthode déjà éprouvée dans le Caucase. 

L’attaque était prévue mais nous laisse néanmoins sans voix. Le prétexte que l’Ukraine voulait se rapprocher de l’OTAN est absurde. D’une part l’OTAN n’est pas entrée en matière et ne le fera pas. D’autre part l’OTAN n’a aucunement volonté de s’attaquer à la Russie ni à n’importe quel autre pays. D’ailleurs l’argumentaire pseudo-historique de Poutine quelques jours avant de passer à l’acte ne mentionnait rien de tout cela, il niait tout simplement l’existence d’un peuple ukrainien.

Ce ne sont que des prétextes et des falsifications du même ordre que lorsque Poutine traite les dirigeants ukrainiens de nazis et les accuse de génocide! Si des comparaisons de cet ordre peuvent être faites, ce serait plutôt à Poutine qu’elles pourraient s’appliquer, ancien agent du KGB qui est tout simplement en train de propulser la Russie 80 ans en arrière. Il ne peut tolérer le moindre mouvement démocratique dans ce qu’il considère comme ses „marches de l’empire“, que ce soit en Biélorussie, en Ukraine et tout récemment dans la répression d’un soulèvement populaire au Khazakstan. Et après l’Ukraine, côté chinois : Taiwan, bien sûr, démonstration vivante inacceptable d’une population chinoise connaissant et appréciant la démocratie.

L’heure du réveil sonne

Trois urgences en Occident, bientôt dernier bastion des Droits humains naguère universellement reconnus et de l’Etat de droit. Il est urgent de comprendre

1) La dangerosité des mouvements populistes qui gangrènent nos sociétés, attisant les mauvais côtés de l’être humain, semant les fake news à la volée et en boucle, réclamant une „liberté“ sans limites tout en admirant les régimes chinois ou russe où la moindre dissidence signifie disparition, torture et prison. Tout comme dans les années 30 les admirateurs de l’”ordre nouveau” nazi allemand ou fasciste italien, les mouvements populistes sont aujourd’hui la 5e colonne des dictateurs. D’ailleurs ils ont souvent accepté de l’argent sale venant de manière occulte de Poutine. Et on se rappelle du cri du coeur de Trump qualifiant son collègue de Corée du Nord de „nice guy“. Pas de tolérance à l’intolérance : aucune des affirmations de ce camp politique ne doit rester sans réfutation méthodique. Comme par exemple le démographe Hervé Le Bras vient de le faire en démontant magistralement les affabulations d’un « grand remplacement », mensonge asséné quotidiennement par le démagogue Zemmour. Et demandons à chaque personne attirée par les sirènes populistes: voulez-vous vraiment vivre sous le régime russe ou chinois? Peut-être cessera-t-elle de jouer avec le feu.

2) L’urgence des économies d’énergies et d’une indépendance de nos pays des fournisseurs d’énergies fossiles – trop souvent des régimes corrompus, autoritaires et/ou dictatoriaux. Actuellement 2/3 de l’énergie que nous consommons est du fossile, essentiellement du pétrole mais aussi du gaz. Il faut mettre les bouchées doubles pour passer du fossile aux pompes à chaleur et à la géothermie et enfin lancer un vaste programme d’assainissement du parc immobilier, dont le rythme actuel est totalement insuffisant, mettant fin à d’immenses gaspillages, pour modifier aussi nos pratiques en matière de mobilité. Pour ne pas avoir froid les prochains hivers, pour limiter les émissions de gaz carbonique, pour ne plus financer les destructeurs des droits humains, il nous faut cesser de croire que les politiques énergétiques et climatiques seraient des gadgets pour bobos, un luxe pour nantis. Au contraire ce sont des exigences de survie qui méritent des investissements massifs.

3) La nécessité de lutter au quotidien contre les inégalités de chance et sociales, dont la croissance détruit toute confiance au sein de la société, qui la sépare et la fractionne en catégories qui ne se parlent plus et ne se sentent plus acceptées à la même table. Il est urgent de décréter tant des revenus minimum décents que des revenus maximum et d’assurer à chaque personne un emploi utile et durable. Faute de quoi les sociétés occidentales seront définitivement minées de l’intérieur. Les forces humanistes doivent urgemment se regrouper autour d’un programme de réformes écologiques et sociales et définir une ligne claire contre la dérégulation locale et globale, qui expose les populations fragiles à une constante compétition déloyale; c’est la seule manière de réduire l’attractivité d’un populisme délétère et de défendre nos valeurs constitutives.

 

 

 

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