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Législation sur le climat, ne pas s’arrêter à mi-chemin

Une année avant les élections fédérales 2019, le conseil national rejetait, par les voix de la gauche et de l’UDC, unis pour des motifs opposés, une loi sur le CO2 que le centre-droit avait pratiquement vidée de tout engagement concret. Puis le PLR ayant amorcé un virage écologique, les verts et verts libéraux ayant doublé leur représentation parlementaire, les cartes ont été rebrassées.

Dans cette nouvelle constellation politique, la loi sur le CO2 a retrouvé des couleurs : mesures concernant le bâtiment, renforcement de la taxe sur les combustibles, fonds climat, taxe sur les billets d’avion, la législation d’application de l’Accord de Paris ratifié par notre pays en 2017 commence à devenir réalité. Mais il reste des lacunes importantes à combler.

L’UDC de son côté est restée fidèle, contre tout évidence factuelle, à sa posture climatosceptique. Pas question de changer quoi que ce soit à nos façons de produire et de consommer pour un problème qui n’existe pas, n’est-ce pas ? On conçoit le désarroi des paysans et habitants de régions de montagne en première ligne du changement climatique, auxquels ce parti prétend s’intéresser.

Appliquer l’Accord de Paris

Comme on le sait, l’Accord de Paris demande (art. 2, lettre a) que «l’élévation de la température moyenne de la planète « reste «nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et de poursuivre « l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C ». Mais, disposition moins connue, il demande également de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre » (art. 2, lettre c).

Si le premier objectif demande des efforts nettement plus substantiels que ceux de la loi même améliorée, le second est largement absent. Le conseil national a en effet refusé toute obligation faite au secteur financier de «verdir« ses stratégies d’investissement.

Pourtant la finance durable est en plein essor et il est grand temps d’organiser ce secteur tant les approches et méthodologies sont multiples et non coordonnées. Une définition claire de la finance durable, des critères à prendre en compte et des procédures d’évaluation est indispensable. Le Parlement européen vient d’ailleurs de valider la méthodologie applicable dans ces contextes et il serait temps que la Suisse se positionne clairement, vu l’importance de notre secteur bancaire.

Finance durable, tout est dit mais tout reste volontaire

Et paradoxe, une semaine après la fin de la session d’été des Chambres, le Conseil fédéral publiait un rapport sur la finance durable. La transition vers la finance durable, lit-on dans les Lignes directrices en matière de finance durable, « implique aussi que les marchés financiers créent de la transparence, prennent en compte l’ensemble des risques à long terme, évaluent correctement le prix de ces risques et apportent ainsi une contribution efficace au développement durable.

(…) Les acteurs financiers, les clients et l’autorité de surveillance peuvent prendre des décisions en toute connaissance de cause et contribuent ainsi indirectement à la réalisation des objectifs de développement durable ou environnementaux. (…) Cela comprend par exemple la publication systématique d’informations pertinentes et comparables concernant l’impact des produits financiers et des entreprises sur le climat et l’environnement. Cette transparence permet aussi de lutter contre l’écoblanchiment ». Tout cela est fort bien dit, mais peut-on vraiment se limiter à des mesures volontaires et à dispenser de bons conseils ? Nous n’avons plus le temps d’attendre que le dernier de la classe ait compris “volontairement” ce ce qui est attendu de lui.

Assurer la coordination avec la législation sur l’énergie

Une autre lacune est la coordination entre la législation sur le CO2 et celle sur la transition énergétique. En mai 2017, le peuple suisse acceptait la révision totale de la loi sur l’énergie adoptée par le parlement en septembre 2016, contestée par référendum par l’UDC (encore). Trois ans plus tard, le Conseil fédéral engageait une procédure de consultation en vue de sa révision.

Il s’agit de donner force obligatoire aux valeurs indicatives inscrites dans la loi, telles une réduction de la consommation de 43% d’ici 2035 ou les augmentations prévues des parts des énergies renouvelables, et de pérenniser les instruments de soutien en faveur de ces dernières. Simultanément, le Conseil fédéral propose toutefois, dans une autre procédure de révision, une nouvelle fois l’extension à tous du libre choix du fournisseur d’électricité, sachant que le tarif de base et appliqué par défaut doit offrir une électricité produite en Suisse et 100% renouvelable.

Le sens de cette mise en compétition reste obscur: s’agit-il de permettre le dumping écologique en offrant de l’énergie produite hors de Suisse à base de charbon ou d’uranium et artificiellement moins chère, car ne payant pas ses coûts externes (soit ceux infligés à autrui) ? Ce serait totalement incohérent avec les options de politique énergétique.

Dans cette révision, autant la pérennisation des mesures de soutien aux renouvelables est nécessaire, autant il manque l’incitation à la sobriété énergétique, base de toute maîtrise de l’énergie. La loi devrait par exemple obliger les gestionnaires de réseau de distribution à développer des modèles d’affaire incitant les consommateurs à moins consommer. A Genève, SIG fait œuvre de pionnier avec le programme Eco 21, qui, en plus de dix ans a créé plus de 550 emplois et permis d’économiser la consommation de près de 70’000 ménages, démontrant que des modèles d’affaires innovants sont possibles.

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