Fathi Derder accuse la gauche helvétique de trahison concernant le secret bancaire. Réponse.
Le conseiller national PLR vaudois Fathi Derder a publié vendredi 26 avril 2013 un billet en page deux de "24 Heures", dans lequel il accuse la gauche suisse en général, le parti socialiste en particulier, et son collègue Jean-Christophe Schwaab nommément, de trahir le pays, accusation répétée, en ces termes, à plusieurs reprises. Et sur son mur facebook, le PLR vaudois en rajoute, tout ravi. C'est grave, parfaitement indigne, et dangereux, pour au moins trois raisons.
Sur le fond tout d'abord: sur la question du secret bancaire et de l'attitude de l'Union Européenne et des Etats-Unis à notre égard, la situation est en même temps très difficile et très fluide – il est peu aisé, en pleine bataille, de se faire une idée précise de quelles sont les opportunités qui nous restent. Toutefois, depuis le décrochage, il y a quelques semaines, de nos alliés objectifs luxembourgeois et autrichiens, de plus en plus d'observateurs s'accordent à juger notre position intenable, non pas tant d'un point de vue moral, mais d'un pur point de vue tactique et stratégique. Dès lors, dans une telle situation, que faut-il faire? Faut-il absolument, au nom de principes d'ailleurs à géométrie très variable, s'arcbouter sur une position indéfendable et y brûler jusqu'à notre dernière cartouche – et après nous, le déluge? Ne vaudrait-il pas mieux, plutôt, se retirer sur des positions qui peuvent être défendues et ainsi garder nos forces les plus intactes possible pour la suite des opérations? Dans la situation dans laquelle se trouve le pays, qui défend le mieux les intérêts de ce dernier? Franchement?
Et puis, il y a la forme. Il y a des mots avec lesquels on ne devrait pas jouer avec la légèreté d'un Fathi Derder. On ne traite pas impunément ses adversaires de traîtres. C'est impliquer – et c'est d'ailleurs fait en toutes lettres dans le billet incriminé – que ses opposants se fichent de l'intérêt du pays, qu'ils constituent une cinquième colonne au sein de celui-ci, chargée d'en miner les bases. C'est impliquer que seul celui qui est d'accord avec lui est un vrai suisse – les autres, en l'espèce la gauche, ne méritent pas leur passeport. Vous êtes pour le secret bancaire façon PLR, ou vous êtes un mauvais suisse, punkt schluss. Ca sent Maurras et Vichy tout à la fois. C'est digne des années trente. C'est parfaitement indigne de la part d'un conseiller national de 2013.
Et enfin, en nous la jouant sur le thème "union sacrée de la communauté nationale contre l'étranger du dehors et purifions-nous des traîtres", Fathi Derder légitime évidemment en plein le discours nationaliste d'une UDC qui a fait de ce ton sa marque de fabrique depuis une vingtaine d'années – et cela à la veille de votations fédérales autrement plus importantes pour l'avenir économique de ce pays que la question de l'échange automatique des données. Car comment pourra réagir notre sémillant parlementaire PLR lorsque, l'an prochain ou l'année qui suivra, il devra défendre l'acquis des bilatérales, de l'ouverture des frontières et des marchés contre des adversaires à qui il a emprunté le vocabulaire, et qui auront alors beau jeu d'utiliser, contre lui, les mêmes arguments – seul celui qui vote contre l'ouverture, contre l'Europe, contre le monde, est un vrai suisse? Comment, de manière plus générale, le PLR pourra-t-il, à ce moment-là, se défausser du discours de l'UDC, alors même que l'un de ses membres les plus opposés à elle jusque là s'abaisse à utiliser le même ton? Comment mener campagne contre l'UDC sur Ecopop, l'immigration et les bilatérales, après avoir embrassé son discours nationaliste?
Franchement, Fathi Derder, qu'est-ce qui vous a pris d'écrire un pareil torchon?