Exploration spatiale

Pour la première fois, un Starship monté sur son lanceur SuperHeavy défie le ciel

Ce n’est pas encore le grand départ mais Elon Musk est en pleine course pour réussir et l’image est spectaculaire. Le vaisseau Starship SN20, recouvert sur son ventre et son nez de ses tuiles de protection thermiques noires, se dresse fièrement sur son lanceur SuperHeavy BN4, en acier inoxydable apparent, lui-même en place sur sa table de lancement. La hauteur est impressionnante, 120 mètres de hauteur dont 50 mètres pour le vaisseau et 70 mètres pour le lanceur, à côté d’une tour de service de même hauteur. La plus haute fusée jusqu’alors, la Saturn V du programme Apollo ne faisait « que » 110 mètres.

En regardant cette fusée absolument énorme, on retrouve les sensations de gigantisme que devaient ressentir les contemporains du dirigeable Hindenburg en 1936 (longueur 246 m, hauteur 44 m). Espérons que ce géant-ci ne connaisse pas le même sort que son triste prédécesseur dans le journal des records mais marque l’aube de l’accès de l’homme au véritable espace, bien au-delà de l’orbite basse terrestre.

La préparation pour le vol orbital est encore très faible. Rappelons que jusqu’à présent, un seul Starship, le SN15 (Serial Number 15), a réussi son vol complet, avec atterrissage, le 6 mai 2021. Ce vol n’était qu’un test de manœuvrabilité en altitude (10 km) et d’atterrissage. De son côté, le lanceur SuperHeavy n’a été testé qu’une seule fois, le 21 juillet, avec son BN 3 (pour Booster Number 3), pour un vol statique utilisant 3 moteurs.

C’est pour cela qu’il est très étonnant de voir un Starship complet, debout sur sa table de lancement, après qu’il ait été équipé, en 48 heures seulement, de ses 29 moteurs Raptor (sans compter les 6 du vaisseau). C’est comme si Elon Musk voulait tenter maintenant son premier vol orbital. Il est vrai qu’il nous a habitué à « aller plus vite que la musique » et à procéder sans perdre de temps, sans aucun « temps mort », sans redouter l’échec, à ses différents tests. Il n’hésite pas, c’est un pragmatique et il est clair que pour lui, un échec est avant tout porteur d’enseignements, le moyen permettant de déceler le défaut qu’il convient de corriger.

Le BN4 a été installé sur sa table de lancement par des grues géantes les 4 et 5 août, le Starship SN20 déposé au-dessus le 6 août. Que va-t-il se passer maintenant ?

Sans doute y aura-t-il un essai de remplissage et pressurisation des réservoirs puis d’allumage des moteurs car faire fonctionner ensemble 29 moteurs est un réel problème (il y en aura 33 dans la version finale du SuperHeavy) de coordination et de sécurité. Rappelons que le Starship proprement dit n’a jamais volé qu’avec 3 moteurs. Il n’était pas nécessaire d’utiliser de moteurs pour le vide puisque le vol ne montait qu’à 10 km mais il y aura bien 6 moteurs (3 atmosphériques et 3 pour le vide) pour le Starship du premier vol orbital.

Reste aussi l’autorisation de décoller car l’administration fédérale américaine compétente, la FAA (Federal Aviation Administration), pose toujours problème, comme souvent les administrations (en l’occurrence pour des motifs environnementaux). La raison est que l’autorisation précédente a été donnée pour un lancement d’ampleur beaucoup moins importante (ce qui est exact car les quantités d’ergols pour un vol orbital sont beaucoup plus importantes). Il serait étonnant qu’Elon se passe de cette autorisation mais le spectacle qu’il a mis en scène est sans doute aussi pour dire fermement qu’il est prêt et que la FAA le retarde. Il semble heureusement que la NASA et le Département de la Défense soient du côté d’Elon. Cela se comprend car la NASA compte sur le Starship pour son programme Artemis de retour sur la Lune…Un bras de fer entre administrations en quelques sortes.

Le vol orbital était prévu pour la fin de l’été. Le lanceur reviendra se poser dans le Golfe du Mexique et le Starship continuera jusqu’à Hawaï. Les deux « véhicules » sont réutilisables. L’altitude sera entre 300 et 500 km. Aura-t-il lieu fin août ou à l’automne ? Nul ne le sait.

En tout cas, cette vitesse, fruit d’une organisation remarquable et du travail d’ingénieurs exceptionnels est absolument stupéfiante. Il y en a, en Europe chez Arianespace ou aux USA chez Boeing et United Launch Alliance (SLS), qui pourraient en prendre de la graine !

Illustration de titre: à gauche la batterie des 29 moteurs du SuperHeavy, à droite, l’ensemble SuperHeavy surmonté du Starship sur sa table de lancement. Photo prise le 6 août, Crédit Elon Musk (cpte Twitter).

Illustration ci-dessous: excellente nouvelle photo publiée par Elon Musk ce 7 août et que je ne résiste pas au plaisir de l’ajouter à mon article: Elle montre le moment de la jonction entre le SN20 et le BN4. On se rend encore mieux compte de la taille des deux éléments. Remarquez le revêtement de tuiles qui ne protège que la surface la plus exposée à la chaleur. Remarquez aussi la forme des tuiles; hexagonales, elles évitent l’accélération du passage du plasma entre elles. Remarquez enfin les “ailettes de grille” mobiles, élément essentiel pour la manœuvre (stabilisation) du lanceur. Les ailettes devraient aussi être utilisées au retour du lanceur pour l’immobiliser dans des pinces géantes.

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