Exploration spatiale

Les dimensions de l’Univers sont à la fois inhumaines et merveilleuses. Nous devons « faire-avec » et entreprendre

Les dimensions spatio-temporelles de l’Univers sont proprement inhumaines. Il faut parcourir 380.000 km pour atteindre la Lune et certains disent que c’est loin. Ça l’est effectivement pour ceux qui « font toute une histoire » d’un voyage dans l’ISS qui orbite autour de la Terre entre 400 et 450 km d’altitude. Mais cette distance Terre-Lune n’est rien par rapport à celle qui nous sépare de Mars qui évolue de 56 à 400 millions de Km sur une période de 26 mois. A cette distance, le temps « montre le bout de son nez » et l’immédiateté dans les relations qu’on peut avoir d’une planète à l’autre « en prend un coup » puisqu’il faut de 3 à 22 minutes pour que la lumière, donc tout signal porté par les ondes électromagnétiques, puisse franchir la distance qui les sépare.

Après cela on change une première fois de « braquet » ; on ne mesure plus en km mais en unités astronomiques, UA, qui valent chacune 150 millions km, soit la distance qui nous sépare du Soleil. Neptune, la plus éloignée des huit planètes de notre système, évolue à 30 UA du Soleil, donc entre 29 et 31 de la Terre ce qui est pratiquement pareil. On est « à la porte » de la Ceinture de Kuiper, anneau constitué principalement d’astéroïdes mais aussi de quelques planètes naines et qui s’étend de 30 à 55 UA. Viennent ensuite, jusqu’à 150.000 à 200.000 UA, les Nuage de Oort interne puis externe qui enveloppe notre système comme un cocon.

A nouveau les nombres deviennent si énormes qu’on change une deuxième fois de braquet en passant insensiblement de l’UA à l’année lumière. Ce faisant, le temps prend de plus en plus d’importance dans l’évaluation de la distance puisque l’année-lumière l’exprime aussi bien que l’étendue parcourue. Aux confins du système solaire nous sommes à quelques 2,3 années-lumière et encore « chez nous », alors que ce tout petit nombre représente, selon le terme utilisé pour le premier braquet, plus de 21.000 milliards de km.

Notre étoile actuellement voisine (tout change et elle ne le restera que quelques 3.3000 ans), Proxima-Centauri, évolue à quelques 4,25 années-lumière (269.400 UA) du Soleil ou de la Terre (ce qui est pratiquement pareil à cette distance). Et il faudrait 77.000 ans à la vitesse de Voyager-1 soit 16,6 km/s (3,5 UA par an) pour l’atteindre, 7.700 ans pour la Sonde Parker qui est l’objet le plus rapide (150 km/s) jamais construit par l’homme (du fait qu’il bénéficie de l’accélération gravitationnelle résultant de ses trajets entre le Soleil et Vénus) ou « seulement » 20 ans en voyageant à la vitesse fantastique (et relativiste) de 20% de la vitesse de la lumière (projet Breakthrough Starshot)…ce qui est actuellement exclu pour les masses importantes (Breakthrough Starshot n’envisage d’envoyer qu’une flotte de sondes de chacune 2 grammes, propulsées par une forêt de rayons laser ultrapuissants, 100 GW, pendant dix minutes).

Notre Soleil, étoile naine-jaune ordinaire, fonce à quelques 230 km/s autour du Centre galactique dont elle fera le tour en 250 millions d’années car nous sommes à quelques 28.000 années lumières de ce Centre, au milieu du rayon du disque dont le diamètre est de l’ordre de 100.000 années-lumière. 28.000 ans, à peu près une « Grande-année » zodiacale, cela fait beaucoup par rapport à l’histoire de l’homme puisque cette lumière émise par les étoiles du Centre galactique que nous percevons aujourd’hui, en est partie alors qu’Homo sapiens arrivé vers -40.000 ans en Europe venait, il y a 35.000 ans, de remplacer Homo Neanderthalensis sur son sol. Mais il n’utilisait ses outils de pierre que de façon encore très primitive puisque nous étions toujours dans le paléolithique et que le Mésolithique ne devait commencer que quelques 16.000 ans après. La durée de l’année galactique est encore plus impressionnante. Il y a 250 millions d’années, la Terre venait de sortir du Permien (ère Paléozoïque) et entrait dans le Trias (ère Mésozoïque) à l’aube de l’apparition des dinosaures, après que la vie ait subi une de ses plus sévères extinctions (96% des espèces ayant disparu).

Donc il ne faut pas rêver, avec une durée de vie active possible de moins de 100 ans, l’homme ne peut concevoir d’aller physiquement plus loin dans l’espace qu’une douzaine d’année lumière. Et s’il le fait, ce sera au prix d’une vitesse « relativiste » qui le coupera de la société dont il est issu car ceux qui partiraient, reviendraient sensiblement plus jeunes que lorsqu’ils seraient partis et ce, d’autant plus que leur vitesse serait élevée et la distance importante. A ces échelles en effet, le temps lui aussi n’est plus une donnée intangible puisqu’il est sensible à la vitesse et à la masse. Si nos progrès technologiques le permettent, il y aura peut-être des aventuriers intrépides qui accepteront la rupture totale et définitive avec leur passé mais ils seront sans doute peu nombreux (à moins d’être les derniers terriens à pouvoir quitter une Terre devenue inhabitable, thème de nombreux livres de science-fiction) et la distance qu’ils pourront parcourir sera de toute façon limitée par la capacité d’emport de masse de leur vaisseau (cette masse comprenant aussi bien leurs ressources utilisables pour leur support vie, que la source d’énergie alimentant leurs moteurs nucléaires ou la masse de ces moteurs et des boucliers protecteurs de radiations).

Et pourtant nous sommes encore « chez nous », dans « notre » galaxie. Si l’on en sort par la pensée ou par l’astronomie, on va encore changer de braquet et mesurer les distances en millions d’années-lumière. Il en faudra 2 pour parvenir à la Galaxie d’Andromède, la jumelle de notre Voie lactée, cœur avec elle de notre groupe local. Il en faudra environ 50,2 millions, ou 15,39 mégaparsec* (c’est-à-dire 15,39 fois 206265 UA), pour parvenir à la galaxie elliptique supergéante Messier 87, au centre de l’Amas de la Vierge, lui-même au centre du Superamas de la Vierge dont notre Groupe-local de galaxies fait partie.

*le mégaparsec, « Mpc » est égal au rayon d’un cercle dont l’arc soutenu par un angle au centre d’une seconde d’arc, mesure exactement une UA.

Et l’on peut continuer ainsi par sauts successifs, dans des lointains de plus en plus lointains et des passés de plus en plus anciens, passant des dizaines de millions d’années aux centaines de millions puis aux milliards et arrivant enfin, à 13,8* milliards d’années moins 380.000, à ce mur aujourd’hui infranchissable du Fond-diffus-cosmologique source de la Première-lumière qui est aussi la « Surface-de-dernière-diffusion » à l’intérieur de laquelle la pression et la chaleur de l’Univers étaient telles que, prisonniers du plasma primordial, les photons ne pouvaient qu’interagir avec les électrons (« diffusion Thomson »).

*devenus aujourd’hui 45 milliards du fait de l’expansion de l’Univers.

Mais si la force de la pensée, appuyée par l’observation peut nous conduire jusque-là, jamais nous ne verrons ces rives fabuleusement lointaines, jamais nous ne verrons non plus « aujourd’hui » les étoiles et les planètes qui du même âge que le Soleil ou la Terre, sont situées à des distances relativement proches mais dont l’image est déjà dans notre passé lointain du fait que leur lumière ne chemine qu’à la vitesse relativement faible au regard de l’échelle, de 300.000 km/s.

Alors ?

Vous le ressentez surement comme moi, dans cet environnement immense nous ne sommes relativement que d’infimes particules dont la durée de vie n’atteint pas celle d’un éphémère après éclosion et vous savez que nous ne sommes pratiquement jamais sortis du tout petit point d’espace où nous sommes nés. Mais nous sommes des particules conscientes, capables de « faire » et sensibles. Nous observons, nous calculons, nous constatons, nous comparons, nous progressons dans la connaissance, nous nous étonnons, nous admirons, nous nous racontons des histoires et nous rêvons. Grâce à ces propriétés et cette orientation psychologique, nous concevons, nous fabriquons et construisons, couche après couche, savoir sur savoir, nous progressons et notre emprise sur le monde s’élargit. Il ne s’agit toujours que de notre environnement proche (l’astronautique) ou de quelques lumières provenant du lointain et du passé (l’astronomie) mais nous allons toujours plus loin dans notre compréhension sinon dans notre maîtrise du monde et si nous nous retournons vers notre passé d’êtres humains, infime nombre d’années au regard de l’histoire de l’Univers ou de notre monde, nous pouvons être fiers de nos accomplissements, des traces de pas visibles derrière nous et de l’étendue parcourue, même si nous ne parvenons toujours pas à nous éloigner de la plage ou viennent s’écraser les vagues de l’Océan sans limites apparentes et les étoiles qui s’y reflètent et nous appellent de toute éternité.

Gardons la tête froide, n’ayons pas peur comme Pascal ou d’autres, de ce fait inhibés, et assumons nos responsabilités d’hommes vivants, sans désespérer : ménageons la viabilité de la Terre et faisons ce que nous pouvons faire au-delà, installons-nous sur Mars. Peut-être nos descendants iront-ils plus loin mais en allant sur cette planète toute proche, nous leur en donnerons intellectuellement la possibilité.

Illustration de titre :

Le « Hubble Ultra Deep Field 2014 » (« Champ Ultra Profond de Hubble 2014 ») ou « HUDF », est un composé de différentes photos prises entre 2003 et 2012 avec les caméras « Advanced Camera for Surveys » et « Wide Field Camera 3 » (dernier instrument fixé sur Hubble en 2009). Une mise à jour en a été faite en ultraviolet en 2014. Image Credit: NASA/ESA. La taille apparente du HUDF est celle d’un carré de 200 secondes d’arc (pour comparaison le diamètre apparent de Mars au plus proche de la Terre est de 13,9 secondes d’arcs). C’est un « trou » sans étoiles dans notre environnement (hémisphère Sud, Constellation du Fourneau) qui nous permet d’accéder aux galaxies lointaines sans en être empêchés par la barrière visuelle des étoiles ou galaxies proches. Les lumières les plus rouges ont été émises quelques 800 millions d’années après le Big-bang ; notre Soleil n’est né que plus de 9 milliards d’années après, il y a 4,6 milliards d’années!

Illustration ci-dessous, Cratère Gale, en route vers le Mont Sharp, à droite le Mont Rafael Navarro, photo Perseverance, crédit NASA. Mars, notre voisine, dont les paysages sont presque familiers, est notre seconde Terre. Elle nous attend.

En ce premier août, je souhaite à tous mes amis Suisses, une bonne Fête Nationale!

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Index L’appel de Mars 21 07 25

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