Exploration spatiale

Congrats to the EDL NASA team for landing safely Perseverance on Mars!

Nous sommes le 18 février; il est 21h57, heure CET (la nôtre). Ça y est ! L’atterrissage a réussi. La NASA a encore une fois démontré son savoir-faire en exécutant de main de maître le fameux parcours des « 7 minutes de terreur »* entre la haute atmosphère de Mars où elle a positionné son atterrisseur à 5,3 km/s (19.000 km à l’heure) et le sol martien, 120 Km plus bas. Le vaisseau a effectué sans faute les différentes manœuvres nécessaires de façon totalement autonome (aucun contrôle n’est possible compte tenu du « time-lag » dû à la finitude de la lumière). Le rover Perseverance se trouve maintenant en sécurité sur le sol du cratère Jezero tout près de ce fabuleux delta dont les spécialistes admiraient les photos depuis si longtemps en pensant qu’il fallait absolument y aller. Nous y sommes et on peut maintenant voir les cailloux au sol par l’intermédiaire des yeux du robot (illustration de titre). C’est fantastique !

L’équipe « sécurité, santé » de la NASA a pris le relais des mains de l’équipe « EDL » (Entry, Descent, Landing) et va procéder aux différents “checkings” pour savoir dans quel état se trouve le rover et ses équipements mais il semble que le « touch-down » se soit passé en douceur. Donc, sauf mauvaise surprise, l’exploration de ce site magnifique va pouvoir commencer.

Tout le monde a bien vu depuis les photos prises par les satellites, le dessin de ce delta et du fleuve asséché en amont. L’eau a coulé abondamment dans ce fleuve en charriant toutes les alluvions possibles, de toutes les tailles possibles et créant des roches très riches en argiles, jusque-là où se trouve aujourd’hui notre “observateur” à roues. Toutes les conditions ont été remplies pour que cette eau imbibant suffisamment longtemps ce sol, permette dans l’environnement calme du lac, de faire évoluer longuement les molécules organiques qui pouvaient s’y trouver. « Jusqu’où ? » est LA question que tout le monde se pose. Mais il ne faut pas rêver. Le plus intéressant serait de trouver un degré de complexification organique sensiblement plus important que dans les astéroïdes. Ce qui nous intéresse, à mon avis, encore plus que le résultat d’une évolution concrétisée dans une cellule ayant été vivante, c’est l’évolution vers ce résultat qui nous permettrait de comprendre mieux les étapes intermédiaires et donc les contraintes environnementales qui les ont permises à comparer avec nos propres contraintes qui ont permis quelque chose de plus abouti dans la même ligne d’évolution.

Vous avez remarqué que le fond du lac est plus bas que le delta et que même le cours d’eau domine ce niveau d’assez haut. C’est que le relief est « inversé ». Plus dense, les sites d’écoulement et d’accumulation de matière n’ont pas été érodés avec le même succès que les dépôts plus « tendres » du fond du lac. Et sur plusieurs milliards d’années, ça se voit.

Le petit hélicoptère, « Ingenuity » fixé sous le ventre du rover, va être testé dans les 30 jours. Il pourra faire quatre vols. Il n’est pas prévu qu’il fasse d’observations scientifiques ; c’est une démonstration technologique. Mais ce serait formidable qu’il fonctionne. Le terrain martien est traitre, avec rochers acérés et surtout sables mouvants (le rover Spirit y a perdu la vie). Naturellement l’hélicoptère pourrait servir d’éclaireur. Il pourrait aussi aller prendre des photos ou analyser les roches situées dans des lieux inaccessibles aux véhicules à roues et il y en a évidemment beaucoup sur Mars. Le seul problème est que ces hélicoptères ont des pales qui tournent très vite (2400 tours minutes) et qu’ils consomment beaucoup d’énergie. Comme ils peuvent emporter peu de masse avec eux, leurs vols sont forcément courts. Disons que c’est mieux que rien (ou qu’un dirigeable mais la portance serait très faible).

La tache principale de ce rover outre l’examen à distance de la composition chimique des roches jugées intéressantes (notamment avec le spectrogramme laser SuperCam, une amélioration de ChemCam), sera de carotter le sol sur une dizaine de cm pour en extraire des échantillons qui seront ramassés « plus tard » par une autre mission, conjointe avec l’ESA, pour les envoyer sur Terre. La « mission de retour d’échantillons », comme on l’appelle, pourrait avoir lieu en 2030. Ça me semble très loin et j’aimerais qu’Elon Musk les rapporte à la main (de ses astronautes !) lors de sa seconde mission habitée qui aura lieu avant. Il pourrait aussi prendre d’autres échantillons sur un autre site, un peu plus gros et prélevés un peu plus profondément (donc moins dégradés par les radiations).

Enfin, le rover avec son instrument MOXIE va tester la faisabilité de produire de l’oxygène à partir du gaz carbonique de l’atmosphère (95%). C’est facile sur Terre en laboratoire, c’est moins facile sur Mars à cause de la faible pression atmosphérique (610 pascals en moyenne) et de la poussière mais c’est vital pour les futurs missions habitées. Et la NASA le dit et le répète. Donc, n’en déplaise à certains scientifiques, surtout européens, qui n’aiment pas ce qu’ils considèrent comme des enfantillages qui distraient beaucoup d’argent des budgets de la Recherche, la NASA persiste à vouloir envoyer l’homme sur Mars. Ça fait plaisir à entendre et la réussite de l’atterrissage de Perseverance est en soi un encouragement vers ce but.

*NB : qu’on arrête de dire comme beaucoup le mettent en avant pour souligner la dangerosité du vol, que seules 50% des missions sur Mars sont arrivées au sol sans dommage. C’est vrai si on prend tous les vols depuis le début de l’ère spatial mais ça n’a en réalité aucun sens car les premiers avions ont disparu souvent corps et biens et on ne les prend pas dans les statistiques des accidents d’avions contemporains. Ce qu’il faut voir, c’est que les Américains n’ont pas connu un seul échec d’atterrissage depuis 2001 et qu’ils ont posé 5 rovers sur Mars depuis le petit Pathfinder en 1997. Sur douze tentatives, y compris celles des Russes (trois) et des Européens (une) qui ont échoué, la NASA en a effectué huit dont un seul échec, Mars Polar Lander en 1999. Elle sait faire.

illustration de titre: première photo du sol du cratère Jezero prise par la caméra Hazcam embarquée à bord du rover Perseverance. Crédit NASA/JPL

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