Exploration spatiale

Les Chinois ont réussi l’insertion de leur satellite en orbite autour de Mars

Le satellite chinois, Tianwen-1 (question au Ciel), lancé le 23 juillet dernier et arrivé dans l’environnement martien hier, a pu être inséré en orbite martienne, ce jour, 10 février. C’est la première fois que la Chine tentait d’accéder à la Planète-rouge et c’est donc un exploit qui place le pays au niveau de ses prédécesseurs, URSS, Etats-Unis, Europe (ESA), Inde et Emirats Arabes Unis.

Mais les ambitions de la Chine vont bien au-delà de cette mise sur orbite. Il s’agit en effet de descendre un “atterrisseur” (“lander”) à la surface de la planète, d’en débarquer un véhicule robotique (“rover”) et de le faire évoluer pendant un minimum de 90 jours, tout en utilisant toute une batterie d’instruments scientifiques. Evidemment tous ces équipements sont “made in China”.

Sur le plan astronautique, c’est une confirmation des capacités de la fusée Chang-Zheng 5 (Longue-Marche 5) qui peut hisser 25 tonnes* en LEO (orbite basse terrestre) et bien sûr des équipes de l’agence spatiale chinoise, “CNSA”, acronyme de Chinese National Space Administration. La CNSA est rattachée à la SASTIND, agence gouvernementale pour la Science, la Technologie et l’Industrie de la Défense Nationale. Cette dernière qualification, précise bien le contexte dans lequel se déroulent ces missions. On peut remarquer que l’atterrisseur et le rover sont identiques à ce que les Chinois ont déposé récemment sur la face cachée de la Lune (Chang’e 4 et son rover Yutu 2).

*contre 130 tonnes, tout de même, pour la fusée Saturn 5 du programme lunaire Apollo. Mais l’Atlas V “541” utilisé par les Américains pour la mission Mars 2020 peut placer 17 tonnes en LEO. Sa version “HLV” pourrait y placer 29 tonnes. Le SuperHeavy de SpaceX (encore en développement) doit pouvoir y  placer 150 tonnes mais déjà le Falcon Heavy (opérationnel) peut y placer 63,8 tonnes.

Sur le plan scientifique, le programme est très ambitieux. L’orbiteur doit être opérationnel pendant au moins deux années terrestres (une année martienne). Il est équipé de deux caméras dont une à haute résolution, d’un radar à pénétration du sol, d’un spectromètre infrarouge, d’un magnétomètre et de deux détecteurs de particules. Il servira également de relai de télécommunication à l’atterrisseur et à son rover. Le rover est équipé d’une caméra stéréoscopique de navigation et d’une caméra multispectrale, d’un radar à pénétration du sol, d’un magnétomètre, d’un spectromètre imageur et d’une station météorologique. Tous ces équipements ont pour objet l’étude de l’environnement spatial et atmosphérique de la planète et surtout, à partir du rover mais aussi de l’orbiteur, celle de sa géologie, en particulier détecter la présence d’eau, aujourd’hui et dans le passé.

A cet effet il est intéressant de noter que les Chinois ont l’intention de faire atterrir leur “lander” dans l’Ouest d’Utopia Planitia, une vaste région des Basses terres du Nord, situées à l’Est d’Isidis Planitia. Dans cette région, Sylvain Piqueux du California Institute of Technology (CalTech) et un groupe de scientifiques, ont identifié des éléments de relief de type glaciaire permettant de déduire la présence toujours actuelle de banquises enterrées*. La couche superficielle de ces reliefs a été très certainement asséchée par sublimation de l’eau qu’elle contenait mais sa porosité, si elle est confirmée, sera le signe de la présence passée de l’eau. Sous cette couche, à seulement un ou deux mètres, on devrait pouvoir trouver de la glace en proportion très élevée sur une très vaste surface (plusieurs centaines de milliers de km2). Ce qui est encore plus intéressant c’est que ces banquises se situent à une altitude moyenne, bien qu’un peu élevée (40°N à 50°N), ce qui permettrait l’établissement d’une base habitée dans une région ou les conditions environnementales seraient encore acceptables (à la différence des pôles).

*lire l’article scientifique (lien ci-dessous) et mon article du 11 janvier 2020: “Mars de la glace d’eau facilement accessible, dans une région vivable“.

Il est également intéressant de noter que le rover Perseverance sera déposé par les Américains dans une région proche (plus à l’Ouest) qui, elle aussi, est très riche sur le plan géologique puisqu’il s’agit du delta d’un ancien fleuve à l’entrée d’un cratère (Jezero). Le site choisi par les Américains est nettement plus accidenté mais il ne faut pas oublier que les Chinois en sont encore à leur coup d’essai. D’ailleurs ils vont prendre le temps, plusieurs semaines, avant de se lancer dans la descente (“EDL” pour “Entry, Descent, Landing”), manœuvre très périlleuse que les Américains sont jusqu’à présent les seuls à avoir pu maîtriser. Les Chinois sont donc dans la position d’un étudiant qui vient de passer sa licence (mise en orbite) mais qui doit maintenant passer son master (fonctionnement de l’orbiteur) et presque simultanément, passer son doctorat (opération du rover au sol). A noter que le rover des Chinois à une masse de 240 kg contre une tonne pour Perseverance (comme d’ailleurs pour Curiosity).

Ce n’est pas gagné pour les Chinois mais disons que la concurrence pointe le bout de son nez!

illustration de titre: orbiteur de Tianwen-1, crédit image agence chinoise CNCA.

lien vers l’article scientifique cité :

“Widespread shallow water ice on Mars at high latitudes and mid latitudes” par Sylvain Piqueux et al. in Geophysical Research Letters, doi.org/2019GL083947.

https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1029/2019GL083947

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Index L’appel de Mars 21 01 26

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