Exploration spatiale

Elon Musk did it !

Mardi 6 février 2018 à 21h45, comme prévu, le Falcon Heavy de Space X a fait un départ de la Terre (presque) « sans faute ». La réussite de ce test qui était moins qu’évidente, prouve que l’audace d’Elon Musk est fondée sur le sérieux d’une maîtrise technologique sans faille. Les concurrents, dont l’ESA, toujours très critique, ne peuvent que se rendre à l’évidence, ils sont largement distancés et le public qui veut l’aventure martienne peut maintenant raisonnablement espérer.

La plus belle photo de cet exploit est sans doute celle capturée à l’écran et placée en « image à la Une », qui montre le retour simultané des deux « side-boosters » (fusées latérales) du « core-booster » (fusée centrale) sur le site de lancement des fusées Saturn V du programme Apollo, à Cap Canaveral. Un problème technique sur la barge en mer où devait se poser le core-booster a empêché de voir ce troisième élément de propulsion se re-poser* mais cela n’entame en rien la satisfaction du succès. La récupération des lanceurs « marche » et le vaisseau spatial est en route vers l’orbite martienne avec à son bord la voiture personnelle d’Elon Musk car, compte tenu des risques d’échec (évalués par lui-même à 50/50) il n’a pas voulu vendre la montée en orbite à qui que ce soit.

*On a appris plus tard que cet élément avait “raté”  la barge d’une centaine de mètres et avait donc sombré dans l’océan.

Au-delà de ce côté spectaculaire, ce qui était le plus risqué dans ce test et qui n’avait jamais été tenté, était de faire fonctionner ensemble les 27 moteurs (« merlin ») du 1er étage. 27 moteurs en l’occurrence c’est trois fois neuf, c’est-à-dire trois lanceurs de la génération précédente, Falcon 9, fonctionnant côte à côte. Et ce n’est pas une simple addition mais un problème de coordination des combustions, de plomberie pour une alimentation régulière, de maîtrise des vibrations et de maîtrise des forces de propulsion (imaginez les attaches des boosters latéraux au booster central et le moment où les deux boosters latéraux doivent se désolidariser du booster central !).

Falcon Heavy qui pèse au départ 1400 tonnes, pourra, avec une poussée de 2500 tonnes, mettre 64 tonnes en orbite basse terrestre (LEO). C’est trois fois la capacité de lancement d’Ariane V de l’ESA (20 tonnes) et plus de deux fois la fusée la plus puissante jusqu’à aujourd’hui, celle de l’armée américaine, Delta IV Heavy (28,8 tonnes), c’est moitié moins que celle de Saturn V, la fusée du programme Apollo qui a permis l’aventure lunaire (dernier vol en 1973 !). Mais maintenant qu’Elon Musk a réussi son lancement de Falcon Heavy, il va s’attaquer au BFR (big Falcon Rocket) qui pourra largement concurrencer Saturn V.

Franchement, les opérations commerciales ne nécessitent pas une telle capacité de lancement. C’est un peu pour cela que la capacité de la fusée Ariane n’a pas augmenté avec Ariane VI par rapport à Ariane V, l’Europe (ESA) préférant pouvoir lancer souvent pour répondre rapidement à la demande des clients, plutôt que gros et lourd. Ceci dit il y a de temps en temps des lancements lourds et de toute façon SpaceX continuera à produire le Falcon 9 qui du fait de la modularité de sa conception, n’est qu’une fraction de Falcon Heavy et utilise les mêmes moteurs. La différence, et elle est de taille, c’est que l’exploration par vols habités était impossible sans lanceurs lourds et l’on sait que tout ce que fait Elon Musk, il le fait en perspective d’aller un jour sur Mars, aussitôt que possible (vol d’essai en 2022 et vol réel en 2024).

L’aventure des vols habités vers Mars a bel et bien commencé ce soir, que le gouvernement américain le veuille ou non, que le projet SLS de la NASA qui traîne depuis des années aboutisse ou non* et que les Européens y restent indifférents ou non (après tout, Mars comme le Canada jadis, ce n’est pour « l’establishment » européens que « quelques arpents de glace »). Bravo Elon!

*Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society, rapporte qu’il y a sept ans la Commission Augustine qui préparait le programme spatial de l’administration Obama avait dit que le programme de son prédécesseur (pour aller sur la Lune) devait être annulé (ce qu’il fut!) parce que le développement du lanceur lourd nécessiterait 12 ans et coûterait 36 milliards de dollars! 

Image à la Une: retour sur Terre des deux booster latéraux de Falcon Heavy (crédit SpaceX)

Image ci-dessous: Les 27 moteurs Merlin de Falcon Heavy (crédit SpaceX)

Dernières nouvelles, le 8 février :

Le corps central du lanceur s’est écrasé à la surface de l’océan à 500 km/h. La dernière mise à feu, pour le freinage final, n’a pas fonctionné. Il y a quelques dégâts sur la barge d’atterrissage qui se trouvait à seulement environ 300 mètres.

Starman, le passager de la décapotable Tesla rouge cerise d’Elon Musk, est parti pour l’orbite martienne après la seconde mise à feu du second étage. En fait il ira beaucoup plus loin, presque jusqu’à l’orbite de Cérès au centre de la Ceinture d’astéroïdes. Il redescendra ensuite en dessous de l’orbite terrestre.

Sur son site, SpaceX annonce non seulement la capacité de placement de masse en LEO (64 tonnes) mais également la capacité de dépose en surface de Mars (16,8 tonnes). Avec une telle masse et plusieurs lancements, on peut déjà envisager une mission habitée sur Mars. Si vous voulez expédier votre propre voiture sur Mars…en payant le transport, je suis certain qu’Elon Musk sera ravi de vous offrir ses services (mais vous pouvez aussi financer l’envoi d’objets plus intéressants, par exemple quelques rovers d’exploration chargés d’instruments d’observation et d’analyse).

 

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