Exploration spatiale

Gravité, énergie, biologie, défis à l’astronautique

L’astronautique ce sont les missions robotiques ou habitées dans l’Espace. On ne peut envisager les mener que dans notre environnement « proche », autant dire le système solaire et peut-être un jour quelques étoiles voisines, l’ensemble s’étendant à l’intérieur d’une sphère d’un rayon d’environ 10 années-lumière, maximum * (100 mille milliards de km), dont nous serions le centre, cette sphère n’étant qu’un point par rapport aux 100.000 années-lumière de diamètre de notre galaxie.

*ma proposition mais ce n’est qu’un ordre d’idée. Le rayon pourrait n’être que de 7 ou 8 années-lumière.

Pourquoi ce domaine restreint? Parce que nous sommes contraints par la masse (soumise à la gravité et occupant un volume) que nous devons transporter (et à laquelle nous devons donc appliquer une énergie) pour observer ou pour vivre et pour nous déplacer…sans oublier que, compte tenu de l’hostilité et des dimensions de l’espace, nous sommes aussi contraints par nos capacités biologiques.

*Les missions habitées répondent à une pulsion humaine, celle d’aller voir et toucher mais aussi au besoin d’efficacité, un homme étant beaucoup plus réactif qu’une machine et capable d’initiatives. Le transport d’un corps humain vivant et opérationnel est ce qu’il y a de plus difficile dans l’exploration car il s’agit d’extraire ce corps de l’environnement où (et dont) il est né tout en en conservant les fonctions vitales essentielles. 

(1) La gravité

La gravité est une contrainte dont les missions robotiques ou habitées ne peuvent s’abstraire puisqu’on habite toujours sur une planète (avant d’habiter une éventuelle « île de l’espace » à la Gerard O’Neill). Devoir s’extraire du puits de gravité terrestre nous force à limiter drastiquement les masses dont nous pouvons disposer pour l’exploration. Par ailleurs, vivre sur une super-Terre de masse double (par exemple) de celle de la Terre serait probablement insupportable à long terme pour un être humain. Un exosquelette n’aurait aucun effet sur nos organes ou nos fonctions internes. Le cœur devrait lutter plus que notre physiologie ne nous le permet pour irriguer l’ensemble du corps. En sens inverse une gravité trop faible, par exemple celle de 0,16g sur la Lune, pourrait être catastrophique, sur le long terme, dans la perspective d’un retour sur Terre. Plus précisément un séjour long sur la Lune serait sans doute très dommageable pour la santé indépendamment des exercices qu’on pourrait faire pour conserver sa force musculaire et osseuse, compte tenu de la surpression du sang dans le cerveau qui résulterait de la faible gravité locale (dans la mesure où le cœur même affaibli continuerait à y propulser le sang plus que nécessaire). On peut évidemment se poser la question de savoir si la gravité martienne de 0,38g serait suffisante pour le bon fonctionnement, sur le long terme, de nos organes internes lorsque nous nous serions installés sur cette planète. Pour le moment nous n’avons pas de réponse mais il semble évident que le problème serait moins grave que sur la Lune.

(2) L’énergie

Pas d’astronautique sans énergie, pour vaincre la gravité et procurer la vitesse nécessaire au franchissement de distances considérables. L’ennui c’est qu’à la source d’énergie correspond le plus souvent (sauf l’énergie solaire ou la gravité des astres approchés) une masse et des réservoirs pour les contenir, toujours des moteurs ou des dispositifs pour les utiliser. Le deuxième problème c’est que la source d’énergie s’épuise en échange de l’énergie cinétique qu’elle libère (sauf encore l’énergie solaire et la gravité des astres approchés) et que les moteurs qui les utilisent s’usent en fonctionnant. Elle est donc limitée en masse, en volume et en durée d’utilisation et cette limite est une contrainte incontournable, qui peut être aggravée par le gâchis ou par la panne.

Pour préciser, on peut distinguer entre les énergies consommables (chimique et nucléaire) et les énergies utilisables (solaire et gravité) mais elles ne sont pas ou peu remplaçables. Du fait de contraintes propres à chacune, les choix s’imposent inévitablement.

L’énergie chimique ne nous conduira pas bien loin (mais sûrement jusqu’à Mars) à cause du volume énorme des ergols qu’il faut bruler mais elle est indispensable au décollage, à l’injection sur orbite interplanétaire et à l’atterrissage sur une planète (si elle est rocheuse !) du fait de sa capacité à libérer une poussée considérable très rapidement (on parle d’Isp – impulsion spécifique – élevée), sans polluer au point que pourrait le faire une explosion atomique.

L’énergie nucléaire est sûrement promise à un bel avenir mais elle s’épuise elle aussi avec le temps. Les sondes Voyagers parties dans les années 1970 et qui sont aujourd’hui aux confins du système solaire sont équipées d’un moteur au plutonium qui touche à sa fin de vie; les réserves de plutonium de Curiosity arrivé sur Mars en 2012, seront épuisées en 2020. En tout cas elle ne peut être utilisée dans l’atmosphère des planètes et ne peut donc servir qu’au fonctionnement des vaisseaux et au corrections de trajectoires pendant les vols interplanétaires.

L’énergie photonique fonctionne bien si l’on est proche du soleil (ou d’une autre étoile !), moins bien si on s’en éloigne. Cette énergie ne peut être utilisée pour décoller de la Terre, à cause cette fois de sa très faible Isp, mais seulement à partir de l’orbite de parking. Comme son Isp est très faible elle s’éloignera très lentement de cette orbite. On attendra que l’accélération continue ait suffisamment augmenté sa vitesse pour venir charger le vaisseau (surtout les passagers qui ne supporteraient pas de rester longtemps dans le piège à radiations que constituent les champs magnétiques qui enveloppent la Terre dans sa coque, générant la fameuse Ceinture de Van Allen). Les lasers peuvent donner une impulsion initiale très forte mais ils consomment eux-mêmes beaucoup d’énergie, d’autant plus qu’ils sont plus puissants. Il faut aussi noter qu’on ne transportera pas ses lasers avec soi (la masse toujours !) et que si on va « quelque part » on aura besoin d’une source d’énergie sur place pour freiner et éventuellement arrêter le vaisseau.

La gravité des astres approchés est une autre source d’énergie. Elle a été utilisée notamment pour le programme Voyager qui a profité de la position exceptionnelle des planètes lors de la mission pour utiliser l’effet d’accélération (« de fronde ») qui se manifeste lorsqu’on « tombe » vers elles, pour aller de l’une à l’autre, jusqu’à Neptune avant de continuer leur route vers l’extérieur du système solaire. Elle est évidemment limitée par la distance minimum à laquelle on peut approcher l’astre en fonction de la vitesse lors de l’approche, et aussi par la gravité même de l’astre approché.

(3) La biologie

Les Radiations

On sait à peu près se protéger des radiations solaires (SeP) même fortes (SPE dont les CME) parce qu’on peut assez bien bloquer le rayonnement des protons qui les constituent en quasi-totalité mais on n’a pas encore les moyens de se protéger vraiment des radiations galactiques dures (HZE). Aucun blindage n’est vraiment efficace contre elles compte tenu de la force énergétique des particules lourdes (numéro atomique “Z” élevé) dont elles sont constituées en petite partie (2%). Pendant les voyages interplanétaires et éventuellement interstellaires, on recevra une dose qui au bout d’un certain temps excédera les capacités d’absorption de notre corps. On peut ainsi difficilement envisager (pour le moment) de voyager plusieurs années dans l’espace interplanétaire (mais on peut envisager d’y voyager plusieurs mois, jusqu’à un refuge…par exemple la surface de la planète Mars).

Le contrôle environnemental

Le corps humain doit être maintenu en (bon!) fonctionnement par un système de support vie adéquat et nous pouvons créer tant bien que mal une bulle plus ou moins auto-régénératrice à l’intérieur de laquelle on pourra se chauffer, respirer et se nourrir, dans des conditions microbiennes acceptables (voir mes billets sur MELiSSA). C’est ce qui nous a permis de commencer à entreprendre des voyages ou des séjours dans l’espace. Mais l’instabilité des systèmes de support vie ou la masse des remèdes chimiques qui seraient nécessaires pour contrer cette instabilité, imposent une limite aux durées de voyage (un an ?)…jusqu’à un refuge planétaire.

Par ailleurs, enverra-t-on une sonde robotique dans l’espace pour n’en avoir des retombées que dans plusieurs dizaines d’années ? J’en doute, compte tenu de la durée de nos vies humaines.

Alors que faire de ces limites ? On voit bien qu’elles ne se manifestent que lorsqu’on les approche. Il faut donc les approcher au plus près, progressivement, apprendre à les connaître, si possible en jouer comme l’aurait fait le rusé Ulysse, pour aller aussi loin que possible, Mars, d’abord et maintenant ! Le but est d’aller un jour encore plus loin, toujours plus loin, et pouvoir dire encore longtemps comme dans l’ouverture des épisodes de Star Trek, « to boldly go where no man has gone before! »

Image à la Une: Un vaisseau ITS d’Elon Musk posé, un jour futur, à la surface d’Encelade, une des lunes de Jupiter. Crédit SpaceX (présentation faite par Elon Musk au 67ème IAC le 27 septembre 2016 à Guadalajara, Mexique).

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