Exploration spatiale

Pour vivre sur Mars, la première des priorités sera la production d’énergie

Mars est sûrement le moins inhospitalier des corps célestes aujourd’hui accessibles mais aucune vie « hors cocon » très structuré, n’y sera possible. L’homme ne pourra y séjourner et a fortiori s’y installer sans un sérieux support énergétique. Des solutions ont été imaginées pour le créer. Elles peuvent sans nul doute être mises en œuvre mais elles ne permettront qu’un développement progressif, lent et probablement limité de la population.

En effet Mars n’a certainement pas connu la riche production biologique qu’a connu la Terre et notamment l’explosion de vie du Carbonifère. Cela implique qu’il n’y a ni charbon ni pétrole ni autres hydrocarbures fossiles. Il n’y a pas non plus d’eau liquide et il ne peut donc y avoir de fluide qui par gravité ou force de courants, pourrait actionner des turbines. Pour ce qui est de l’éolien, on aura pratiquement la même limitation. En effet, même si les vents peuvent déplacer les particules fines de poussière à de très grandes vitesses (comme sur Terre), leur force est limitée en proportion de leur densité et cette densité est extrêmement faible en raison du faible volume de l’atmosphère, de la faible force de gravité, et de la très faible pression atmosphérique qui en résulte (6 millibars en moyenne). Pratiquement, lors des plus fortes tempêtes de 300 km/h, les vents auront une force ressentie de quelques 50 km/h seulement. En temps « normal » donc, la force du vent sera totalement insuffisante pour faire tourner les pales d’une éolienne.

Il reste heureusement plusieurs sources possibles d’énergie*, le nucléaire, le solaire, la géothermie, mais elles risquent de n’être pas aisées à mettre en œuvre.

*Je parle ici d’énergie primaire puisque c’est cela dont nous avons d’abord besoin dans un environnement totalement vierge.

Dès les premières missions habitées le générateur à fission nucléaire sera la solution à privilégier. C’est en effet le dispositif fournissant la puissance nécessaire, le plus compact (il le faut car il doit être transporté depuis la Terre !) et le moins difficile à mettre en service. Un tel générateur, délivrant 40 kWe (en continu, sur environ 10 ans), aurait d’après les études faites par la NASA pour les premières bases (peut-être une douzaine de personnes), une masse de moins de 5 T et un encombrement en configuration de transport de 7m x 3,3m. Il faudra lui ajouter un radiateur (« source froide ») dont la taille variera en fonction de la chaleur à évacuer (donc de la puissance choisie pour le générateur). On pourrait pour la suite (en fonction du développement de la population) utiliser des générateurs dont le cœur nucléaire fonctionnerait à une plus grande puissance (400 kWe, sur 25 ans, proposé par Mars Homestead*). La charge nucléaire resterait la même mais le radiateur devrait avoir une capacité thermique bien supérieure (c’est le facteur limitant). Cette production thermique est à la fois un problème (son évacuation) et une ressource car on peut concevoir de la capter au moins en partie par un liquide caloporteur (dans un échangeur de chaleur) plutôt que de la dissiper dans l’environnement, et de la transmettre à la base pour toutes sortes d’utilisations (dont le chauffage).

*http://www.marsfoundation.org/docs/

La deuxième source d’énergie qui devrait s’imposer, également dès les premières missions habitées, est le solaire. Les rovers précédant Curiosity (les « MER », en particulier Opportunity) utilisent des panneaux solaires. Ils présentent le même intérêt de durabilité que le nucléaire (pourvu qu’on les nettoie !) mais leur puissance par surface unitaire de panneau est faible, 140 W au mieux, dans le cas d’Opportunity (à peine plus qu’une ampoule domestique moyenne) et ils ne fonctionnent évidemment pas la nuit, ni quand il y a des tempêtes de poussière (non exceptionnelles) et beaucoup moins pendant l’hiver austral où l’irradiance chute jusqu’à 492 W/m2 (sur Terre environ 1400 W/m2) du fait de la forte excentricité de l’orbite de la planète. Pour faire face à la durée (et aux rigueurs) de la nuit, le dispositif est complété par une batterie au lithium, accumulant pendant le jour, et par un tout petit peu de matière radioactive (chauffage). Il faut donc imaginer la surface collectrice énorme dont on aurait besoin, même pour une petite colonie (plusieurs hectares). Faire venir la quantité de panneaux nécessaire de la Terre représente un transport de masse très important (rappelons que la plus grosse fusée à l’étude, la BFR d’Elon Musk, ne pourra transporter que 100 tonnes sur Mars) et forcément limitatif. Alternativement produire les panneaux sur Mars, serait encore plus difficile (la pureté de silicium requise est de 99,9999%). Le solaire ne pourra donc être très vite, qu’une source d’appoint ou un back-up.

Une troisième source d’énergie primaire intéressante car inépuisable et perpétuellement renouvelable, serait la géothermie. Il est tout à fait probable que l’on trouve à la surface de Mars comme on en trouve à la surface de la Terre, des « points chauds », c’est-à-dire des lieux où le manteau de Mars (ou ses extensions volcaniques) ne sont pas trop éloignés du sol. En ces endroits on pourra forer des puits par lesquels on fera descendre, par canalisation, de l’eau jusqu’aux couches de roches chaudes pour les récupérer ensuite en surface par une canalisation remontante (boucle fermée).

Si l’on considère les sources d’énergie secondaires, on a plusieurs possibilités, la réaction du méthane avec l’oxygène, la pile à combustible au méthanol, la réaction de l’hydrogène avec l’oxygène.

La première devrait être la combustion du méthane dans l’oxygène. Comme le préconise Robert Zubrin, il faudra installer lors du premier vol robotisé préparatoire de la première mission humaine, un laboratoire de production de méthane et d’oxygène à partir du gaz carbonique de l’atmosphère, moyennant un apport d’hydrogène (extrait de la glace d’eau martienne). On devrait pouvoir, d’après ses plans, en six mois, avec un seul RTG d’une puissance de 80 kWe, constituer un stock de carburant et comburant de 106 tonnes suffisant pour renvoyer un vaisseau de 25 tonnes de la surface de Mars vers la Terre (mais il faudrait 1000 tonnes d’ergols pour faire repartir un BFR). On peut penser que, en fonction des capacités énergétiques installées sur Mars, une quantité de méthane et d’oxygène excédant les besoins de propulsion des fusées, pourrait alimenter toutes sortes d’équipements et d’installations. L’oxygène, de son côté, pourrait naturellement être utilisé pour le renouvellement de l’atmosphère des bulles viabilisées. Le méthane (CH4) pourrait être partiellement transformé en méthanol (CH3OH). Il suffirait pour cela de lui ajouter un atome d’oxygène (moyennant un peu d’énergie primaire tout de même). Ce méthanol pourrait être utilisé pour faire fonctionner, avec de l’hydrogène et de l’eau (de provenance martienne), des piles à combustible au méthanol.

Avec l’hydrogène et l’oxygène (toujours extrait de l’eau martienne), on peut aussi envisager une combustion d’hydrogène dans l’oxygène (attention, l’hydrogène a une volatilité beaucoup plus grande que le méthane). Le processus peut être intéressant pour la propulsion de divers véhicules.

Au-delà il faut faire confiance à l’avenir. Sans nul doute le taux d’efficience énergétique des panneaux solaires continuera à progresser. On parle aussi des piles au sodium qui pourrait remplacer les piles au lithium, ce dernier élément étant sans doute aussi rare sur Mars que sur Terre alors que le premier l’est beaucoup moins. On peut aussi, à un horizon plus lointain, envisager des installations qui permettront d’extraire, de raffiner des matériaux radioactifs locaux, type uranium, pour les utiliser dans les centrales à fission nucléaire. Ce qu’on peut retenir c’est qu’on pourra capter de l’énergie sur Mars, que c’est une priorité absolue d’en disposer pour toute « aventure » humaine sur place mais que la planète est quand même moins bien dotée que la Terre pour en produire.

Image à la Une: Vue du projet de base envisagée par Mars-One. On remarque devant les habitats blancs apportés par les vaisseaux spatiaux, plusieurs files de panneaux solaires, également importés. La quantité nécessaire reste à discuter. L’illustration est peut-être “optimiste”.

Image ci-dessous : Schéma NASA d’un générateur électronucléaire conçu pour la phase d’exploration (donc très faible population). Vous remarquerez la taille du radiateur par rapport au personnage à droite du générateur pour donner l’échelle:

 

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