Exploration spatiale

L’Energie, sans laquelle rien n’est possible

Comme vous le savez certainement l’énergie a quelque chose à voir avec la masse et la vitesse et, quand il s’agit d’exploration, de distance à parcourir.

Vis-à-vis de l’énergie on peut être soit passif, la recevoir (ou recevoir les particules qu’elle transporte), soit actif, exercer une poussée pour se déplacer. Pour parcourir une grande distance, c’est l’essentiel du problème.

Observer en recevant semble évidemment plus facile. On reçoit sur Terre, tous les rayonnements et toutes les particules qui circulent dans l’univers à la vitesse maximum de 300.000 km/s. Il s’agit d’analyser ces rayonnements et particules pour le comprendre et cela est moins facile. C’est toute la science de l’astronomie et de la spectrométrie (analyse de la lumière ou autres rayonnements émis ou réfléchis).

Exercer une poussée pour « aller sur » où « aller voir » est l’alternative. Le rayon d’action dans ce cas est forcément limité. Il l’est d’abord par la vitesse de la lumière et la durée de notre vie compte tenu des distances à parcourir. La sonde Voyager, l’objet fait de main d’homme qui est le plus loin de la Terre ne s’en trouve qu’à 18h30 lumière et elle en est parti en 1977 (elle s’éloigne actuellement du soleil à 17 km/s) ! Alpha du Centaure qui est l’étoile la plus proche est à 4,37 années, Kepler 452b, exoplanète qui se trouve dans la zone habitable de son étoile, se trouve à environ 1.400 années-lumière. Notre galaxie à un diamètre de 100.000 années-lumière !

Avec les missions robotiques ou habitées, notre domaine d’évolution est donc restreint à notre système solaire.

Notre rayon d’action est aussi limité par la quantité d’énergie que l’on peut utiliser (masse et puissance). Quelles sont les formes possibles ?

La plus simple, et qui reste incontournable pour le décollage du fait de sa puissance par unité de temps, est la propulsion chimique, un oxydant et un réducteur qui réagissent à forte pression dans une chambre à combustion, l’énergie thermique ainsi dégagée étant convertie en énergie cinétique, propulsive par détente dans une tuyère. Comme couple oxydant / réducteur, le plus évident est l’hydrogène brûlant dans l’oxygène (des « propergols ») mais une bonne alternative à l’hydrogène est le méthane. Il s’évapore moins facilement (et on peut facilement l’extraire de l’atmosphère de CO2 de Mars).

Les problèmes de l’énergie chimique sont la masse des ergols nécessaires pour la produire (et à arracher à la gravité terrestre) et son corollaire la faible durée pendant laquelle la poussée qu’elle génère peut s’exercer. Le principe consiste donc à utiliser deux ou trois combustions, au sol pour le décollage, puis pour l’élancement du deuxième étage et enfin à un certain point de l’orbite de parking pour injection sur un arc d’orbite vers l’objectif planétaire à atteindre. Il ne faudra ensuite que quelques ajustements par des impulsions complémentaires, très brèves et relativement très peu consommatrices d’ergols.

L’énergie nucléaire est une alternative à la propulsion chimique mais uniquement pour la phase suivant l’injection transplanétaire. Au sein de celle-ci il faut distinguer la propulsion nucléaire thermique (« NTP ») et la propulsion nucléaire électrique (« NEP »). Dans le premier cas on éjecte par une tuyère de l’hydrogène préalablement chauffé par un réacteur. C’est intéressant sur le plan des masses d’ergols puisqu’on obtient la même poussée qu’avec la propulsion chimique mais avec la moitié de ce qu’elle consomme. Malheureusement le réacteur nucléaire est très lourd, les réservoirs d’hydrogène très volumineux et les tests sur Terre (ou l’utilisation dans l’atmosphère) pratiquement exclus (risque de retombées radioactives). La propulsion nucléaire électrique (moteurs « RTG ») est encore plus intéressante sur le plan de la consommation des ergols car on peut réduire leur masse de 5 à 10 fois. Le système fonctionne en boucle fermée et peut donc être beaucoup mieux sécurisé. Il ne fait que fournir de l’électricité à des propulseurs électriques. Ceux-ci ionisent un gaz pour former un plasma qui est ensuite accéléré par des champs électriques et magnétiques. Le problème de cette NEP c’est que la poussée, proportionnelle à la puissance que l’on peut raisonnablement produire (quelques kW) est très faible. Son avantage c’est qu’elle peut durer très longtemps. Les Américains l’utilisent donc pour la propulsion de petites masses et pour le fonctionnement des appareils en alternative aux panneaux solaires (Apollo, Pioneer, Voyager, Viking, Galileo, Ulysses, New Horizon, Cassini, Curiosity).

On a le même problème de puissance par unité de temps avec le rayonnement solaire. Des panneaux solaires gigantesques (les « voiles solaires ») ont été utilisés dans des romans de science-fiction*. En effet le flux de photons de l’étoile est constant mais sa poussée est très faible. On peut donc l’utiliser comme la propulsion nucléaire électrique une fois que la sonde ou le vaisseau sont lancés dans l’espace pour les accélérer, très lentement mais continuement. Une difficulté complémentaire mais rédhibitoire vient de ce que plus on s’éloigne du soleil, plus l’intensité du rayonnement solaire diminue. Déjà au niveau de l’orbite martienne l’irradiance est légèrement inférieure à la moitié de ce qu’elle est à celui de l’orbite terrestre.

Il faut donc attendre les progrès qui viendront sans doute dans le domaine de la propulsion nucléaire électrique mais ce n’est pas demain, hélas, que l’on pourra voir voler un beau vaisseau comme l’Hermès du film « Seul sur Mars » de Ridley Scott. En attendant ce magnifique « clipper », nous devrons nous contenter de notre « caravelle » à propulsion essentiellement chimique, ce qui n’est déjà pas si mal. Il faut être patient et accepter des voyages plus longs (6 mois au lieu de trois ou deux mois seulement pour aller sur Mars).

De toute façon pour décoller et aller jusqu’à l’orbite de parking avant le grand départ, étant donné que la NTP est exclue pour le risque qu’elle représente, aucune autre énergie n’est suffisamment puissante (on pourrait dire « brutale ») que l’énergie chimique pour arracher les vaisseaux à l’attraction terrestre. Il faudra encore très longtemps « faire avec ».

Lecture: *magnifique « Flight of the Dragonfly » de Robert Forward

Image à la Une: lanceur “SLS” version 70 tonnes (LEO). Crédit NASA

Image ci-dessous: Voile Solaire, crédit: NASA

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