Exploration spatiale

La Terre, au cœur et à la semelle de nos souliers

Certains pensent que les missions habitées dans l’Espace sont une distraction inutile et coûteuse et que les vrais problèmes de l’humanité, de nature sociale, écologique ou politique, se posant sur Terre, nos efforts doivent être appliqués exclusivement à les traiter.

Je ne suis pas de cet avis.

D’abord parce que la recherche progresse simultanément dans tous les domaines du fait de l’interconnexion des technologies. Des percées dans l’un ont très souvent des retombées sur d’autres, très différents. Par exemple l’informatique a révolutionné la médecine. L’impression 3D va révolutionner l’architecture. La recherche pour l’exploration spatiale par vols habités est porteuse de grands progrès dans les technologies du recyclage, du contrôle de l’atmosphère, de la protection contre les radiations ou encore de la lutte contre l’ostéoporose (apesanteur). Nul doute que si nous installons une petite colonie sur Mars, celle-ci sera, du fait d’un environnement très exigeant, un foyer de recherche et de progrès extraordinaire au bénéfice de tous car l’ingéniosité de l’homme a toujours été stimulée par les conditions de plus en plus difficiles auxquelles il s’est trouvé confronté.

Ensuite parce que nous établir en dehors de la Terre serait une mesure de sauvegarde pour l’homme aujourd’hui captif de sa planète de naissance dont la fragilité est devenue évidente. L’autonomie par rapport à la Terre d’une communauté martienne ou d’une colonie dans l’espace selon Gerard O’Neill*, n’est certes pas pour demain même si on décidait aujourd’hui de l’entreprendre mais, à long terme, elle nous permettrait de mettre à l’abri une fraction de l’humanité des risques de destructions par la guerre, la maladie, une catastrophe nucléaire, la chute d’un astéroïde massif. Sans être adepte de théories catastrophistes, nous ne pouvons minimiser ni écarter à la légère ces éventualités. Moins dramatiquement, notre installation sur une autre planète pourrait nous permettre de sauvegarder un grand nombre de graines et semences terrestres, comme nous avons déjà entrepris de le faire dans le « Svalbard Global Seed Vault »** mais avec une sécurité accrue. Ce besoin n’est pas négligeable quand on voit la capacité de destruction dont nous disposons et que nous exerçons par le déploiement même de notre vie sur Terre.

En fait la possibilité d’autres supports matériels que la Terre pour l’humanité, introduirait dans nos esprits une nouvelle révolution copernicienne. La Terre ne serait plus le seul lieu de vie terrestre possible, elle ne serait plus que l’un de ses multiples foyers. Cela renforcerait non seulement nos capacités de résilience mais aussi notre potentiel de diversification et d’enrichissement. Pendant quelques siècles, les transports n’étant pas aussi évolués qu’ils le sont devenus, l’Amérique et ultimement son Far West, ont joué ce rôle. Le progrès a irréversiblement rétréci le monde et c’est maintenant l’espace qui s’offre à nous comme une « nouvelle frontière ».

De toute façon nous resterons toujours des enfants de la Terre. Nous sommes interdépendants des éléments qui nous ont donné la vie et qui nous permettent de la maintenir. Lorsqu’une très petite minorité d’entre nous (elle restera limitée par notre capacité énergétique d’emport) pourra s’installer ailleurs, elle ne pourra le faire qu’en conservant la structure de notre « coquille » façonnée sur Terre. Et elle le fera en puisant, là où les conditions physiques minimum seront remplies (ce qui est rare), les éléments chimiques dont nous avons toujours été faits sur Terre (ce qui est beaucoup moins rare).

Illustration titre:

A l’intérieur d’une des îles de l’espace imaginées par Gerard K. O’Neil. Un grand cylindre artificiel en rotation sur lui-même, de 10 ou 20 km de diamètre, orbitant quelque part dans la zone habitable de notre système solaire.

Credit image: Donald Davis / NASA Ames research Center; Gerard O’Neill’s Spacecolony.

Références:

https://www.croptrust.org/what-we-do/svalbard-global-seed-vault/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Villes_de_l%27espace

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