Après Crédit Suisse, Novartis bientôt rachetée?

Abasourdie, choquée, réduite à des explications qui ne changeraient pas le cours des choses: telle pourrait bien être la Suisse le jour où son peuple – et ses dirigeants – apprenaient que Novartis était rachetée. Le scénario pourrait bien ne pas être si invraisemblable que l’orgueil rhénan pourrait le laisser croire. Regardons-y de plus près alors qu’un autre emblème, Crédit Suisse, devenait « achetable » en quelques jours.

 

Tout d’abord faisons-nous peur en se rappelant à quel point Novartis est un mastodonte. Selon le dernier rapport annuel de l’entreprise, 102’000 équivalents plein temps y sont employés, dont 11’300 personnes en Suisse. Les chiffres fluctuent passablement au gré des vagues de licenciement et d’embauches qui rythment notamment le cours des choses sur le campus des rives du Rhin. Ses produits sont vendus dans plus ou moins 140 pays du globe. Dans son dernier classement “Global Innovation 1000” datant de 2018, PwC liste Novartis à la 12 place mondiale des plus gros dépensiers en recherche et développement (pour 2017 et 2018, moyenne d’environ 8 milliards de dollars pour une cinquantaine de milliards de chiffres d’affaires, soit approximativement 18% des revenus). La capitalisation boursière avoisine les 176 milliards de francs. Pour reprendre l’expression relative aux banques, Novartis serait-elle la pharma too Swiss to flee aux yeux du quidam qui crierait, outré, par une telle trahison?

 

Rien n’est moins sûr. Quatre arguments pointent dans cette direction.

 

  • Réduction des effectifs systématique

Depuis de nombreuses années, et ce de façon systématique, l’entreprise réduit le nombre d’employés en Suisse (2018, 2022 pour ne citer que les dernières restructurations) mais également au niveau mondial. Les économies tant au niveau des salaires que des opérations sont conséquentes. L’innovation est également externalisée dans une certaine mesure afin de réduire les coûts en interne également.

 

  • Réorganisation des aires thérapeutiques et spin-off de Sandoz

Dans le cadre de la transformation active de la société, qui comprend son intention de créer une entité entièrement séparée avec la division Sandoz (numéro un mondial en générique), elle a fusionné ses organisations commerciales oncologie et pharmaceutique et également créé une nouvelle organisation Opérations qui regroupe les activités de production et de services. Ces mesures doivent permettre d’accroître l’agilité opérationnelle et de renforcer les activités sur des marchés clés aussi bien en termes de secteurs (p.ex. oncologie) que de territoires (p.ex. Chine et États-Unis).

 

  • Ouverture d’un bureau nord-américain à New York City

Alors qu’un énorme campus est présent dans l’état du New Jersey et qu’un centre d’innovation biomédicale NIBR a pignon sur rue à Cambridge/Boston, la BigPharma a signé un bail pour un étage entier d’un bâtiment de la fameuse 5ème avenue de New York City. Simple expansion dans un centre d’innovation ou rapprochement avec le siège social d’un concurrent (psst Pfizer!)?

 

  • Ouverture du campus de Bâle au public et aux startups

Depuis plusieurs années, alors que le campus était traditionnellement fermé au public, le campus bâlois accueille désormais les badauds mais également des startups qui louent des étages, voire même des bâtiments entiers. On morcelle les actifs immobiliers afin de s’en délester dans la douceur et on ouvre les portes pour que les gens se réapproprient des aires préalablement inaccessibles.

 

La stratégie “U.S. first” est clairement affichée par l’entreprise qui ne cache plus son rapprochement avec les États-Unis. Après Daniel Vasella, le CEO Joseph Jimenez avait, de part sa nationalité, aidé à arrimer son pays d’origine à la firme suisse; le projet est poursuivi par l’actuel directeur général indo-américain Vasant Narasimhan. Il faut dire que les États-Unis est le plus grand marché du monde pour la pharmaceutique avec une croissance soutenue.

 

Réduire la voilure pour mieux se faire absorber: alors, à quand les noces américaines?