Le Léman, la voile et ses innovations

A défaut du “Bol d’Air” 2020, le Bol d’Or 2021 aura bel et bien lieu le week-end prochain. Le monde de la voile romand étant en ébullition, c’est l’occasion de revenir sur une vague d’innovations dans ce secteur d’activité, dont de nombreuses premières en Suisse et sur le Léman.

 

Bateaux

  • Monocoques

 

    • Après la guerre, Hermann Egger développe, aux abord du Lac de Neuchâtel, des bateaux dont la réputation traversera les frontières. Marcel Bich (famille des stylos BIC) le mandatera pour aller affronter les Américains et tenter de ravir leur Coupe éponyme grâce à une collaboration franco-suisse.
    • Le Toucan règne en maître incontesté sur le Bol d’Or dans les années 70. Il marque les débuts des bateaux spécialement conçus pour le Léman, alliant légèreté et lestage optimum.
    • Le QFX fait son entrée – ou grand retour pour certains – en ayant pris part au Genève-Rolle-Genève samedi dernier grâce au développement sans relâche de Thomas Jundt. Une “bombe” légère et polyvalent.

 

  • Multicoques

Au début des années 1980, le navigateur Philippe Stern développe les bateaux multicoques (catamaran ou trimaran) qui prennent rapidement le dessus sur les traditionnels monocoques. Quelques années plus tard, leur succès est tel qu’ils poussent notamment les organisateurs du Bol d’Or à créer des catégories pour permettre aux bateaux de même grandeurs de se mesurer entre eux.

 

© Alinghi.com
    • Financé par Ernesto Bertarelli, Alinghi 41, dit “Le Black”, sera la fusée des premières années de l’an 2000! Son prix exorbitant (on parle de CHF 2mio) sera rédhibitoire pour de nombreux marins voulant le concurrencer au Bol d’Or.
    • Lors de l’édition 2004 du Bol d’Or, une idée germe dans la tête du concepteur naval Christian Favre qui, en un an, arrivera à développer les Ventilo M2 dont un terminera au pied du podium l’année suivante. Douze petits mois pour passer de la pensée à un tel résultat de course ou comment passer de l’irréalisable au possible.
    • Purs produit des Ateliers Décision de Bertrand Cardis, les catamarans D35 (pour 35 pieds) s’imposent rapidement comme les bateaux monotype grâce à l’entente des propriétaires qui se mettent d’accord pour lancer cette série de multicoques contrôlée (une façon d’avoir plusieurs équipages au même pied d’égalité en termes de bateaux).
    • L’Hydroptère est un véritable bateau laboratoire, conçu par le bureau Hydros Innovation et soutenu financièrement par Thierry Lombard, bat tous les records de vitesse. Ses concepteurs ont véritablement l’efficacité énergétique en tête.

 

    • Foil
@ La Côte

Cette technologie d’ailette permet aux bateaux de réduire la friction avec l’eau en survolant le plan d’eau. Christian Favre et Jean Psarofaghis se sont notamment associés pour lancer V2 Factory qui a conceptualisé des foils révolutionnaires. Avant eux, le π28 a largement contribué à la recherche et développement, particulièrement au niveau de son gréement. En 2018, le Monofoil Gonet allie innovation technique sur monocoque et facilité d’utilisation. Les TF35 sont les derniers nés sur le Léman, les petits frères des D35 qui ont gagné tant des dernières éditions du Bol d’Or, intégrant la technologie des foils.

 

 

Voiles

  • Aile rigide construite par le légendaire Philippe Durr en 1992 pour Altaïr XII de Philippe Stern et qui équipera les bateaux de la Coupe de l’America vingt ans plus tard.
  • La technologie 3DL (“three dimensional laminated”) est un processus qui permet de mouler les voiles sur une plaque modèle. Elle a été imaginée par le voilier suisse Jean-Pierre Baudet.
  • Prototypées en 2015, les voiles gonflables d’Edouard Kessi (Inflated Wing Sails IWS) offrent une grande flexibilité dans son utilisation et un confort de voile accru selon ses concepteurs.

 

Mât

  • L’aluminium s’invite dans la fabrication des mâts par Albert Coeudevez, notamment pour Eric Tabarly, afin d’augmenter leur solidité et leur sécurité.
  • Premier mât en carbone du monde pensé (1984), dessiné et réalisé par Christian Favre sur les rives du Léman. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec une victoire du Bol d’Or en 1985 d’Altaïr XI de Philippe Stern.
  • Premier mât en “L” en 1992 qui sert de support aux voiles dites à corne et qui sera également mis en œuvre sur les bateaux de la Coupe de l’America.

 

Matériaux

Alors que le carbone continue de renforcer er d’alléger des pièces, Edouard Kessi et son acolyte Gérard Gautier développent la TPT (Thin Ply Technology): un procédé de fabrication de membranes composites filamentaires rigides de haute résistance, issu de la technologie des voiles 3Di, qui permet de répartir des filaments de carbone ultrafins dans les directions exactes des efforts. La résine contenue dans la préparation du pré-imprégné (“prepreg”) vient les stabiliser au terme d’une étape de thermodurcissement. On peut également citer MB Composite, entreprise créée par Mathias Bavaud qui navigue sur plusieurs domaines pour faire parler son expertise dans une foule de domaines, pas seulement celui du nautisme.

 

Rodolphe Gautier, président du comité d’organisation du Bol d’Or Mirabaud, l’avoue: “Aujourd’hui, avec les nouveaux matériaux, on ne peut plus fonctionner de manière simplement empirique en testant les choses. Pour arriver à une nouveauté, il faut beaucoup de calculs, de tests et, forcément, cela coûte très cher et cela prend du temps à mettre au point.” Le bassin lémanique a l’énorme avantage de combiner de fantastiques innovateurs ainsi que des mécènes, eux-mêmes férus de voile et entrepreneurs dans l’âme, qui permettent le développement de telles innovations grâce à un financement considérable.

 

Le Léman, ce magnifique laboratoire aux multiples paramètres complexes et conditions rapidement fluctuantes, continuera d’inspirer les navigateurs passionnés qui, à l’instar de leurs homologues guides de montagne, ne cesseront d’innover pour atteindre de nouveaux sommets.

 

 

Sources: Magazine skippers voile & océan, Le Temps interactif, www.notrehistoire.ch (collaboration RTS)