Le dessous du classement d’innovation OMPI

Il y a peu, le Directeur de digitalswitzerland publiait un post sur Linkedin pour inciter la Suisse, bonne élève modeste, à célébrer un peu plus vocalement sa première place au classement global de l’innovation de l’OMPI (GII). Cela ne nous étonne (presque) même plus, un peu comme une nième victoire de Federer quand il régnait sur les courts: depuis 2011, le pays occupe la première place du GII.

 

Un classement doit cependant rester ce qu’il est: une incitation à faire mieux tout en étant une célébration des efforts réalisés. Mais si classement il y a, quels sont les métriques qui permettent de l’établir? Regardons-y d’un peu plus près.

 

 

Le Global Innovation Index (GII) est la simple moyenne de deux indices:

  • Innovation Input Sub-Index: cinq piliers saisissent les éléments de l’économie nationale qui permettent des activités innovantes.
  • Innovation Output Sub-Index: deux piliers comprennent les outputs de l’innovation qui sont le résultat d’activités innovantes au sein de l’économie.

 

Chaque pilier comprend trois sous-piliers qui sont eux-mêmes composés d’indicateurs individuels (environ 80 au total). La méthodologie est rigoureuse et ce ne sont pas moins que l’Université de Cornell (faisant partie de l’exclusif bastion IVY League) ainsi que l’INSEAD qui sont partenaires de l’OMPI pour mener à bien ce fastidieux travail de collecte, de classement et d’analyse. De plus, le rapport est audité par le Joint Research Centre of the European Union (JRC).

 

Les six piliers sont les suivants:

1. Les institutions

Il est essentiel pour l’innovation d’entretenir un cadre institutionnel qui attire les entreprises et favorise la croissance en assurant une bonne gouvernance et des niveaux corrects de protection et d’incitation.

2. Capital Humain et recherche

Le niveau et la qualité de l’éducation et de l’activité de recherche dans une économie sont les principaux déterminants de la capacité d’innovation d’une nation.

3.  Infrastructure

Composé de trois sous-piliers: technologies de l’information et de la communication (ICT), Infrastructures générales et durabilité écologique.

4. Sophistication du marché

La disponibilité du crédit et un environnement favorable à l’investissement, l’accès au marché international, la concurrence et l’échelle du marché sont autant d’éléments essentiels à la prospérité des entreprises et à l’innovation.

5. Sophistication des entreprises

Le dernier pilier tente de saisir le niveau de sophistication des entreprises pour évaluer dans quelle mesure elles sont propices à l’activité d’innovation.

6. Outputs de la connaissance et de la technologie

Ce pilier couvre toutes les variables qui sont traditionnellement considérées comme étant le fruit d’inventions et/ou d’innovations (p.ex. le nombre de brevets par habitants, nombre d’articles scientifiques, etc.).

7. Outputs “créatifs”

Le rôle de la créativité est largement sous-estimé dans la mesure de l’innovation et les débats politiques. Il comprend trois sous-pilier:

i) statistiques sur les demandes de trademark et indicateur de l’économie sur les marques les plus précieuses;

ii) indicateurs de la créativité et des résultats créatifs d’une économie (p.ex. exportations de services culturels et créatifs tels que des longs métrages) qui visent tous à donner une idée globale de la portée internationale des activités créatives dans une économie;

iii) créativité en ligne, ajustée à la population (p.ex. noms de domaines top-level par pays, nombre moyen d’éditions annuelles de Wikipédia, téléchargements d’application mobiles).

 

Ces métriques mieux comprises, il sera plus aisé pour un pays “d’optimiser” son classement à l’avenir (à l’instar des classements internationaux d’universités), bien que certains piliers demandent des années et des milliards d’investissements pour être mis en place et porter leurs fruits. Les auteurs du rapport avouent qu’il est ardu de trouver/rassembler des métriques qui permettent de quantifier plus directement l’innovation. Toutefois, ils sont plus plus soucieux d’améliorer le “chemin” vers une meilleure mesure, de comprendre l’innovation et d’identifier les politiques ciblées, les bonnes pratiques et les autres leviers qui favorisent l’innovation.

 

Comme le rappelait une récente chronique dans Le Temps: “Les autorités suisses, l’administration et le système sanitaire ont certes fait des efforts, mais ils ne fournissent pas encore des services de classe mondiale aux citoyens sur le plan numérique. Il est temps de se réveiller et de faire mieux, dans tous ces domaines.

 

En Suisse comme dans tout autre pays, les œillères ne sont pas de mise et le repos sur ses lauriers encore moins. Back to work!

 

PS: quelle coïncidence avec l’article du jour “Les trompeurs classements mondiaux de l’innovation”!