Sommes-nous vraiment capables d’imaginer un monde “moderne” sans recours aux énergies fossiles? Alors que la plupart des gouvernements se limite à faire de la planification, bon nombre d’acteurs s’activent à la transition écologique à proprement parler. Mais voilà, pour paraphraser “Janco”: “l’un des paradoxes de la transition telle que nous l’imaginons le plus souvent: elle a besoin que le problème à résoudre… soit toujours là!”
En effet, si on avait atteint la situation idéale, on ne transiterait plus. La raison d’être de multiples organisations, mouvements, associations, entreprises ou courants d’idées réside dans le fait qu’un problème reste à résoudre. Les solutions proposées permettent petit à petit de tendre vers un but sans jamais l’atteindre tout à fait, au grand damn des personnes lésées (p.ex. combattre la faim et la malnutrition dans le monde => Programme Alimentaire Mondial PAM). C’est un dilemme chaque an renouvelé.
Dans le cas de l’énergie, on s’accordera sur le constat que l’abondance énergétique a permis la mondialisation. Friedman titrait notamment son livre “The World is Flat” pour expliquer cette tendance. Le pétrole fait tourner les vecteurs de la logistique mondiale – camions, bateaux, avions, etc. – afin de transporter les incommensurables quantités de choses (matières, marchandises, produits) dans des chaînes d’approvisionnement se complexifiant grâce à l’essor de l’informatique. Le charbon alimente les usines en tout genre, dont les électriques, qui produisent en masse ce qui est consommé ici et là, pour ainsi dire partout, à n’importe quelle heure sur une Terre qui n’en finit pas d’avoir le tournis. Le gaz participe aussi à la production énergétique et de chaleur industrielle dans un système globalisé qui tente de surmonter les contraintes physiques d’un tel système.
Par conséquent, une manière simple et rapide pour décarboner la société serait de la démondialiser. CQFD? La pandémie a vraisemblablement engendré une baisse de 5% de émissions de gaz à effet de serre. Transports à l’arrêt, usines au ralenti, restaurants fermés: l’expérience récente a démontré cette relation. Ceci n’est pas une tribune pour discuter si cela est socialement acceptable mais il faut convenir que la relation de cause à effet est pour le moins claire.
Toutefois, considérons deux exemples qui participent activement à la transition écologique: les voitures électrique et les panneaux solaires. La difficulté d’approvisionnement des fabricants automobiles est souvent mise en lumière pour les composants tels que les puces (dont le leader mondial TSMC, basé à Taïwan, n’arrive pas à suivre la cadence et se retrouve dans le viseur des ambitions territoriales de la Chine), le lithium, le cobalt (principalement produit au Congo) ou d’autres métaux car les producteurs ne sont pas tous réunis au même endroit. Pour les bons vieux panneaux photovoltaïques qui ne fleurissent que trop lentement sur nos toits (la faute à trop de règlements?), 95% sont produits en Chine et sont transportés par ces vaisseaux des mers qui bloquent même parfois des canaux.
Comment localiser physiquement une économie qui s’est exponentiellement développée et structurée de façon globale? En Suisse, même si Meyer Burger a maintenu une activité de production de panneaux solaires, comment produire des centaines de milliers de modules alors que le pays est bien connu pour ne pas disposer de matières premières (fer, cuivre, nickel, etc.)?
Jancovici poursuit dans son post: “Il s’avère donc que pour gérer la décarbonation par des voies essentiellement ‘technologiques’ nous avons besoin de la mondialisation… qui est carbonée. Le fait de prendre les problèmes avant tout sous l’angle économique ne permet pas de voir cette incohérence. Une autre manière de dire la même chose est que les baisses de coûts et les hausses de volume obtenues dans une économie mondialisée ne sont pas du tout garanties dans une économie dé-mondialisée, loin s’en faut.”
Démondialisation. Décarbonisation. Et pourtant: dépendance. Quand sera-t-on dépassé par les événements?
Ce n’est pas tant l’abondance de l’énergie, ni même son coût qui a permis la mondialisation, mais tout cela plus la possibilité de stocker celle-ci dans petit volume… sinon pas d’avion ni de transport maritime. Quoique l’on cherche à nous faire croire, ces deux modes de transport ne sont pas près de se passer des hydrocarbures. Passer par des infrastructures terrestres, c’est se mettre à la merci du politique et donc des entraves au commerce. Le problème est donc politique avant d’être technique.
Un obstacle majeur à l’innovation est l’opposition des promoteurs des technologies existantes. Voire, l’opposition des spécialistes des technologies existantes qui considèrent à priori qu’aucune révolution technique ne saurait remettre en cause leur domination dans le domaine. J’en ai fait la récente expérience dans le domaine des processeurs, pourtant en fin de course pour les architectures actuelles.