Kenel de Requin

Accord-cadre: la position schizophrénique du Conseil fédéral ou l’arbre qui cache la forêt

Lorsque l’idée d’un accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne a été évoquée il y a plus de dix ans, les arguments-massue brandis par les opposants à ce projet, composés essentiellement à l’époque de membres UDC, étaient la reprise du droit européen et le rôle joué par la Cour de justice.

En affirmant à la Commission européenne que les points de discorde entre la Suisse et l’Union européenne concernant l’accord-cadre, tel qu’il a été négocié, sont les mesures d’accompagnement, les aides d’Etat et la directive sur la citoyenneté européenne, le Conseil fédéral adopte une attitude schizophrénique. En effet, il dit à la Commission européenne que le désaccord porte sur ces trois points, alors, qu’en réalité, il sait pertinemment que même si ces trois questions devaient être résolues, le principal argument des opposants à l’accord-cadre reste toujours la reprise du droit européen et le rôle de la Cour de justice. D’ailleurs, au fil des années, non seulement le nombre des partisans de cet argument a augmenté, mais il a dépassé largement le cercle des souverainistes, pour être repris, pour d’autres raisons, par les milieux syndicaux et une partie de la gauche.

D’ailleurs, Pierre-Yves Maillard, homme politique que j’ai toujours beaucoup apprécié, qui a le mérite de la franchise et la stature indéniable d’un vrai homme d’Etat, a déclaré le 13 avril 2021 dans 24 heures, propos qu’il a confirmés dans une interview parue le 25 avril 2021 dans le Sonntags Blick, qu’au nom de la protection des salaires, la reprise du droit européen ainsi que le rôle joué par la Cour de justice n’étaient pas admissibles.

En d’autres termes, le Conseil fédéral fait croire à la Commission européenne que les obstacles à la signature de l’accord-cadre sont les trois points mentionnés ci-dessus, alors qu’en réalité le vrai problème en Suisse n’est pas à ce niveau, mais à celui évoqué par Pierre-Yves Maillard que le Conseil fédéral feint de considérer comme résolu. En fait, le pire qui pourrait arriver au Conseil fédéral, qui serait totalement ridiculisé aux yeux de la Commission européenne, serait qu’un accord soit trouvé sur ces trois points, qu’afin de ne pas perdre la face il soit obligé de le signer, qu’il soit rejeté par le peuple et que l’un des arguments majeurs de ce rejet soit celui avancé par l’UDC et Pierre-Yves Maillard.

Personnellement, je suis un partisan de l’accord-cadre tel qu’il a été négocié par Roberto Balzaretti sous-réserve de quelques clarifications. Cependant, si le Conseil fédéral n’est plus de cet avis et qu’il souhaite le renégocier, il doit poser clairement les cartes sur la table de négociation avec la Commission européenne en y incluant tous les points qui doivent être résolus afin que dans le cadre d’une votation populaire l’accord-cadre ait le soutien de la gauche, des syndicats et de la droite, à l’exception évidemment de l’UDC.

En qualité de président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles depuis 2007, je me souviens de l’époque où Jacques de Watteville était chef de la Mission suisse auprès de l’Union européenne et que notre objectif était de faire passer comme message auprès de l’Union européenne que la Suisse est un partenaire fiable. Quand je vois l’attitude actuelle du Conseil fédéral, je dois honnêtement dire, avec regret, que ce temps me paraît bien lointain…

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