Nouvel accord mondial pour la biodiversité : quels enjeux pour la Suisse ?

La biodiversité a fait l’objet d’un nouvel accord mondial approuvé par la Suisse (le Global Biodiversity Framework GBF) fin décembre 2022. Et alors, qu’en dire pour le contexte helvétique ?

 

Les entreprises sont intégrées

Comme pour le climat à Paris en 2015, le GBF marque un tournant dans la gestion de nos ressources naturelles. Les Etat devront intégrer le secteur privé dans leur programme de conservation de la biodiversité. La Suisse a bien essayé de le faire mais en limitant le secteur privé à des actions de labellisation (plan d’action biodiversité, OFEV, 2017), sans aborder les modes de production. L’intégration dans la législation devrait dépasser les clivages de partis et pourrait s’appuyer sur ce qui fait déjà ailleurs, où des programmes de soutien permettent aux entreprises de créer de nouvelles valeurs avec la biodiversité (entreprises engagées pour la nature, OFEB France, p.ex.). Ou répliquant le soutien d’economie suisse aux plans climatiques de entreprises 😊. La structure fédérale pourrait être un atout, en multipliant les approches et programme de soutien, combiné à une valorisation des expériences au niveau fédéral. Gardons à l’esprit que le nouvelle CSRD de l’UE obligera les entreprises suisses (à plus de 150 mio d’exportations dans l’UE) à publier sur leur double matérialité à la biodiversité. Rappelons que le WEF a estimé à 10 trillions de dollars les nouveaux revenus possibles pour des entreprises à impact positif !

 

Une nouvelle alliance entre bénéficiaires de la nature sera nécessaire

La Suisse s’est engagée à réduire ses subventions néfastes à la biodiversité (objectif mondial de -50% !). L’académie des sciences naturelles (Lena Gubler, 2020) a recensé pour 40 milliards de subventions dommageables à la biodiversité (tout type de subventions publiques). A comparer au budget 2020 de la Confédération de 75 milliards 😮. Cette étude montre clairement que l’agriculture n’a pas à assumer toute seule cette réduction, car d’autre secteurs sont concernés : tourisme, transports, aménagement du territoire, secteur énergétique, …. De plus, cette réduction fournira des moyens pour soutenir de nouvelles pratiques ou des programmes actuels comme le plan d’action Produits phytosanitaires de l’OFAG.

 

Faisons évoluer la notion de protection

Avec le GBF, la CH s’est engagée à protéger 30% de sa surface, ce qui sera impossible avec la législation actuelle (et sa définition de la protection). Certains pourraient penser rapidement aux régions montagneuses comme surface facilement protégeables. Comme une grande partie est propriété des communes ou de privés, pas sûr que cela fonctionne en l’état actuel (voir échec dans la création de parcs). Deux pistes semblent prometteuses. Premièrement, encourager les aires protégées privées. En effet, Rachel Palfrey (Nature Ecology & Evolution, 2022) a montré que ce type de protection était plus facile à appliquer dans des zones à forte présence humaine. Deuxièmement, le changement climatique va modifier la répartition altitudinale des espèces et nécessitera une protection dynamique des surfaces. Cassidy d’Aloia (Frontiers in Ecology and Evolution, 2019) a montré que les moyens techniques existaient à présent pour planifier ces surfaces à protection temporaire (mais à but fixe), qui seraient déplacées en parallèle à l’augmentation des températures.

 

Les richesses naturelles deviendront un source de revenus 

La Suisse compte une industrie de la santé très importante. Plusieurs entreprises ont déjà avancé sur le partage des bénéfices issus de plantes/animaux. Néanmoins, c’est la première fois qu’une approche mondiale a été acceptée pour faire bénéficier les pays sources de ressources génétiques. La biodiversité génétique (et donc celles des espèces) n’est plus qu’un fardeau pour les pays à faible revenu.

 

Alors, le GBF, historique ou pas ?

Cet accord est un vaste programme touchant 195 (!) pays et est le résultat de 4 ans de négociation. L’histoire dira s’il est historique, le présent indique que les Etats seront les garants de sa crédibilité. Plusieurs objectifs chiffrés permettront d’évaluer sa portée. Et l’implication des entreprises peut être inspirant ! Kering et l’Occitane ont ainsi créé un Fonds climatique pour la nature déjà doté de 140 millions d’euros (300 à terme); en plus des engagements des Etats pour un fonds de 100 milliards ! Cet engagement du secteur privé est déjà un effet positif du GBF !

Et si vous désirez en savoir plus sur ce GBF, lisez l’excellent compte-rendu de Sylvie Gillet de orée, plate-forme française « biodiversité et économie ».

Cet article a aussi été publié sur le blog de BioPerf.biz – Biodiversity Performance for Companies


Restez à l’écoute et sortons prendre l’air !

Magnifique perspective sur le Lac Léman pour de nouvelles perspectives en 2022 ?

Biodiversité en 2022 : six bonnes raisons de rester positif

L’intérêt pour la biodiversité a augmenté en 2021. Quelques nouvelles encourageantes aideront à rester positif.ve pour 2022. Du global au local, voici une sélection énergisante pour nous et la nature.

Les entreprises pionnières se fixeront des objectifs pour la nature/biodiversité

Le Conseil mondial des affaires pour le développement durable (WBCSD en anglais) a renforcé ses critères d’adhésion. Cette faîtière regroupe les entreprises les plus avancées en durabilité. D’ici à fin 2022, ses membres devront publier leurs objectifs pour restaurer la nature. Ces nouvelles exigences sont un signal très fort à l’ensemble du secteur privé et des consommateurs. Elles devraient faire de la biodiversité un thème obligé de la durabilité en entreprise.

 

Les consommateurs veulent un secteur privé qui s’engagent pour la nature

L’année dernière a vu l’émergence du concept de Réveil écologique, après analyse des recherches effectuées sur Google (selon The Economist – WWF) : un intérêt mondial des consommateurs pour une économie plus durable. En 2022, la durabilité reste une demande des consommateurs (selon Forbes). Finalement, un leader de l’analyse des tendances prévoit que la demande pour la nature restera élevée, avec p.ex. la végétalisation de son domicile ou la pratique d’activités de plein air.

 

Le temps est venu pour un cadre international qui permette une conservation de la nature plus efficace

La nature ne connaît pas les frontières et l’effondrement de la biodiversité se produit partout. Après trois reports, cette année devrait voir la naissance d’un nouvel accord mondial pour la biodiversité, à la COP15 des Nations Unies. Les gouvernements sont sous pression pour fournir un accord qui soit à la hauteur des enjeux. Les ONG et les entreprises fourniront probablement les solutions qui bénéficieront autant à l’économie, à la nature, qu’aux humains.

 

Si même un citoyen amène les parlementaires à se former sur l’urgence écologique

En juillet, le Parlement suisse sera formé sur l’effondrement de la biodiversité par des scientifiques. C’est l’aboutissement d’une grève de la faim menée par un citoyen hors partis. Cette session spéciale devrait être une nouvelle étape dans la sensibilisation des législateurs et est totalement inédite dans ce pays.

 

En plus de micro-forêts, beaucoup de nouveaux arbres croîtront en ville de Genève

Les arbres et forêts sont des solutions importantes pour combattre simultanément le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Cette année, l’un des hauts-lieux de la coopération multilatérale, Genève, plantera 900 arbres en de nouveaux lieux. Cela en complément de deux micro-forêts qui furent plantées à fin 2021. Le développement de ces forêts urbaines imitera celui de forêts naturelles et les nouveaux arbres réduiront les îlots de chaleur.

 

Les villages apportent aussi leur contribution

Penser global et agir local devraient aussi être possible à l’échelle locale. Un village suisse de 2’000 habitants a créé une commission climat & environnement (voir PV du 06.06.21 ci-après). Ce groupe préparera la mise en œuvre de mesures financées par le village et soutenues par les autorités régionales. Un tel programme est la dernière pièce du puzzle pour un monde plus durable !

 

Alors restez à l’écoute et sortons prendre l’air !

Frontière USA-Mexique

Effondrement de la biodiversité : les Etats veulent séduire les entreprises.

Les chefs d’Etat ont discuté de la biodiversité, à l’Assemblée Générale des Nations Unies #BiodiversitySummit (30 sept. 2020). Une première !

Les Etats comme les entreprises profitent de la biodiversité. Mais cette dernière s’effondre et ne connaît pas les frontières. Au beau milieu de ce souk, les Etats coopèrent pour trouver des solutions à l’effondrement de la biodiversité.

Chaque pays est concerné

Vous pensez que la Suisse n’a pas intérêt à participer à un effort mondial ? Jugez plutôt. Basé sur des calculs de l’Union européenne, le bénéfice net des réserves naturelles helvétiques se monte à 3 milliards. Voilà la somme à investir pour produire l’eau, réguler les crues et polliniser les cultures sans ces zones protégées. Et une partie de ces dernières disparaît déjà !

Un autre calcul a précisé le prix à payer de l’inaction, en Suisse. Dit autrement, on laisse les espèces disparaître, selon les prévisions actuelles, puis en 2050, soudainement 😊, on produit nous-même les services qu’elle fournit actuellement. Le résultat ? Il faudrait investir 25 milliards par an dès 2050 ou env. 30% des dépenses de la Confédération (selon comptes 2019).

 

L’économie suisse profite aussi de la biodiversité du monde entier

Il est connu que la Suisse doit une partie de sa prospérité à ses exportations. Il est moins connu que cette prospérité se base en grande partie sur la nature à l’étranger. Notre pression sur la nature suisse est trois fois plus élevée que ce qu’elle peut supporter. Comment faisons-nous pour ne pas (sur)vivre dans un paysage lunaire ? Nous exportons plus de la moitié de la destruction de la biodiversité hors de la Suisse.

 

La coopération actuelle entre Etats est insuffisante

La convention des Nations Unies pour conserver la biodiversité a été signée par 196 Etats. La dernière évaluation des résultats obtenus par les Etats signataires est sans appel, aucun n’a respecté ses engagements.

Malgré cette convention, les Etats ont vite compris que la disparition de la nature ne pouvait continuer indéfiniment🆘. Et que de nouvelles solutions sont donc nécessaires : fixer des objectifs mondiaux quantitatifs et intégrer les entreprises à cet effort. Comme pour l’accord de Paris sur le climat, le secteur privé et les ONGs devraient pouvoir additionner leurs contributions à celles des programmes étatiques.

 

L’implication du secteur privé, un avantage pour tout le monde

Alors évidemment, les financiers ont sorti leurs calculettes : 400 milliards par année sont nécessaire pour conserver la biodiversité nécessaire à l’humanité. Pas de panique cela représente 0.5 % du PIB mondial, mais quand même huit fois plus que ce qui est dépensé actuellement (voir réf. 5) ! Et oui, cela vient en complément des coûts pour l’atténuation du réchauffement planétaire (voir article du Temps du 22 juillet pour rigoler).

Heureusement, cette même analyse du Crédit Suisse propose autre chose que des augmentations d’impôt. Elle estime que les banques pourraient permettre de financer env. 200 des 400 milliards nécessaires. Voilà un marché qui s’ouvre pour le secteur privé, non (voir l’article précédent) 🤑? Surtout qu’il est en accord avec les attentes des futurs clients. Le baromètre la jeunesse 2020 du Crédit Suisse montre que plus de la moitié des jeunes (16-25 ans) place le conservation de la biodiversité dans leurs principaux intérêts.

 

Alors restez à l’écoute, prenez l’air et renouer avec la nature !

 

Pour consulter les références, voir l’article complet sur www.bioperf.biz/blog