Tu sais, il y a des hommes qui ont tué des tours

 Téléchargez ici gratuitement notre édition spéciale Charlie Hebdo.

Jeudi soir, j’ai eu mes deux petits neveux qui vivent en France au téléphone.

Le premier (le plus petit) : « Allo, père Noël ? ».

Bon, celui-là est resté sur les bons souvenirs de fin d’année.

Le second, presque 6 ans, dans un seul souffle :

« Tu sais, il y a des hommes qui ont tué des tours. Les dames de la cantine, elles nous ont dit qu’il ne fallait pas faire de bruit dans les écoles, parce que sinon ces hommes, ils allaient aussi venir nous tuer. Moi j’ai peur qu’ils viennent chez nous »

Là, je comprend qu’il n’a pas tout compris, qu’il a ressenti la minute de silence comme la réponse à une menace imminente et non pas comme un moment de recueillement, et que, surtout, il est terrorisé.

J’essaye alors de le rassurer… pas facile… Je lui dis que les personnes de Charlie Hebdo étaient des gens connus, des symboles et que c’est pour ca qu’ils ont été pris pour cibles.

Il me répond : « Mais, mes parents ils sont connus ! ».

Je relativise en lui disant qu’ils ne sont pas si connus que ca (ce qui n’est pas très sympa pour mon frère et ma belle-sœur) et qu’il n’y a pas de danger.

Il me redis avant de passer le téléphone à ma mère : « Mais, ils dessinent*, c’est dangereux… ».

Me voilà toute déstabilisée.

En colère contre les enseignants qui lui ont fait peur, et contre moi même, qui suis incapable de lui expliquer et de le rassurer par des mots simples.

Comment lui expliquer que l’on peut se mettre en danger pour défendre des idées ? Comment lui dire que nous ne laisserons pas la terreur gagner ?

Depuis, j’y ai beaucoup réfléchi. Et je me suis dit qu’au final, la meilleure façon de rassurer mon neveu sera sans doute de lui envoyer les photos des rassemblements citoyens de dimanche, pour lui montrer que nous sommes unis pour défendre la liberté d’expression.

D’ailleurs, c’est bientôt l’heure, et j’espère que nous serons nombreux sur la photo.

La transition énergétique « do it yourself » ?

J’étais l’autre soir à une présentation de deux initiatives citoyennes de transition énergétique. La première, une opération française appelée Energie partagée, permet aux citoyens d’investir dans des projets locaux de production d’énergie renouvelable (solaire, éolien). La seconde, une initiative suisse, intitulée Sebasol, propose d’apprendre à construire son propre panneau solaire sur la toiture de son immeuble.

Ces initiatives sont plus que stimulantes. Elles démontrent une réappropriation des questions énergétiques par les citoyens qui passent de statuts de (mauvais) suiveurs, au statut de moteurs de la transition énergétique. Elles s’inscrivent dans un courant plus vaste d’innovations sociales ou le citoyen se réapproprie des choses qui lui échappaient jusqu’alors, comme son approvisionnement alimentaire ou son habitat. Elle mettent en exergue une véritable capatibilité collective (expression empruntée à Dominique Bourg) qui est de plus en plus identifiée comme étant une pièce maitresse pour relever les défis qui nous attendent.

Il faut dire qu’aujourd’hui, nous pouvons interroger l’efficacité d’une transition énergétique vue comme une stratégie imposée à l’individu depuis le haut. Déjà dans les années 1970, le président de la confédération appelait les Suisses à économiser l’énergie. Depuis, les informations et les mécanismes d’incitations sont plus nombreux, les technologies se développent… mais force est de constater que l’on consomme toujours plus.

La transition énergétique ne se fera pas sans les citoyens, alors oui, il faut applaudir ces initiatives et les encourager.

Néanmoins, soyons attentif à ne pas tomber dans l’excès d’une transition énergétique «do it yourself». Si l’épargne privée peut stimuler la construction de parcs éoliens, il en reste que l’appui des collectivités publiques sera incontournable à la réussite du projet, comme celui des acteurs économiques- ne serait-ce que pour l’accès aux prêts bancaires. Si l’on peut en effet construire ses propres panneaux solaires, reste que dans un pays de locataires, il faudra encore trouver des modalités réglementaires avec les propriétaires pour parvenir à les exploiter de la manière la plus équitable possible.

Ce faisant, on se rend vite compte que ce qui est en jeu dans la transition énergétique aujourd’hui, c’est bien le fait de repenser l’articulation entre les différents acteurs de la société et non pas uniquement de valoriser ces initiatives citoyennes. Il s’agit d’imaginer un nouveau modèle de gouvernance, de règlementation et d’économie sans quoi ces inspirations citoyennes n’auront pas l’ampleur et les répercussions qu’elles méritent.

Au boulot donc!