La transition énergétique « do it yourself » ?

J’étais l’autre soir à une présentation de deux initiatives citoyennes de transition énergétique. La première, une opération française appelée Energie partagée, permet aux citoyens d’investir dans des projets locaux de production d’énergie renouvelable (solaire, éolien). La seconde, une initiative suisse, intitulée Sebasol, propose d’apprendre à construire son propre panneau solaire sur la toiture de son immeuble.

Ces initiatives sont plus que stimulantes. Elles démontrent une réappropriation des questions énergétiques par les citoyens qui passent de statuts de (mauvais) suiveurs, au statut de moteurs de la transition énergétique. Elles s’inscrivent dans un courant plus vaste d’innovations sociales ou le citoyen se réapproprie des choses qui lui échappaient jusqu’alors, comme son approvisionnement alimentaire ou son habitat. Elle mettent en exergue une véritable capatibilité collective (expression empruntée à Dominique Bourg) qui est de plus en plus identifiée comme étant une pièce maitresse pour relever les défis qui nous attendent.

Il faut dire qu’aujourd’hui, nous pouvons interroger l’efficacité d’une transition énergétique vue comme une stratégie imposée à l’individu depuis le haut. Déjà dans les années 1970, le président de la confédération appelait les Suisses à économiser l’énergie. Depuis, les informations et les mécanismes d’incitations sont plus nombreux, les technologies se développent… mais force est de constater que l’on consomme toujours plus.

La transition énergétique ne se fera pas sans les citoyens, alors oui, il faut applaudir ces initiatives et les encourager.

Néanmoins, soyons attentif à ne pas tomber dans l’excès d’une transition énergétique «do it yourself». Si l’épargne privée peut stimuler la construction de parcs éoliens, il en reste que l’appui des collectivités publiques sera incontournable à la réussite du projet, comme celui des acteurs économiques- ne serait-ce que pour l’accès aux prêts bancaires. Si l’on peut en effet construire ses propres panneaux solaires, reste que dans un pays de locataires, il faudra encore trouver des modalités réglementaires avec les propriétaires pour parvenir à les exploiter de la manière la plus équitable possible.

Ce faisant, on se rend vite compte que ce qui est en jeu dans la transition énergétique aujourd’hui, c’est bien le fait de repenser l’articulation entre les différents acteurs de la société et non pas uniquement de valoriser ces initiatives citoyennes. Il s’agit d’imaginer un nouveau modèle de gouvernance, de règlementation et d’économie sans quoi ces inspirations citoyennes n’auront pas l’ampleur et les répercussions qu’elles méritent.

Au boulot donc!

Nelly Niwa

Nelly Niwa est architecte-urbaniste et docteur en environnement. Elle dirige la plateforme de recherche-action Volteface sur les aspects sociétaux de la transition énergétique.