L’accent russe

Un prof décapité, un monde décapité

Je ne peux pas rester silencieuse face à la nouvelle que j’ai appris en me levant ce samedi maussade, ce samedi du 21 siècle. Le siècle d’une avancée technologique sans précèdent mais clairement pas celui de(s) Lumière(s). Car il est bien sombre, notre siècle, et pas qu’à cause du Covid-19.

Un prof d’histoire se fait décapiter sur la voie publique, non loin de son collège près de Paris, la ville des Lumières par définition. Son crime ? Il a montré à ses élèves des dessins faisant la satire de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. Cela nous ramène à presque cinq ans en arrière – à la tuerie de la rédaction de Charlie Hebdo, en janvier 2015. Le procès est toujours en cours.

Je peux comprendre le prof qui, surtout dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, a voulu expliquer à ses élèves, qui étaient trop jeunes il y a cinq ans, le cœur du sujet, dans le sens figuratif. Et il a pris des précautions en prévenant l’audience que les images sont choquantes et en invitant les plus sensibles de sortir de la classe. Le résultat – c’est son propre cœur qui s’est arrêté de battre, dans le sens littéral.

Pourquoi suis-je tellement touché ? Est-ce parce que l’assaillant est né à Moscou, comme moi? Est-ce parce qu’il avait 18 ans, comme mon fils ? Ou bien parce qu’en quelque sort les enseignants, surtout les enseignants des sciences humaines, et les journalistes, nous faisons la même chose : nous passons l’information, nous posons des questions, nous semons le doute. Et tout cela fâche les gens pleins des certitudes !

Je me demande comment se sentent aujourd’hui les parents qui ont porté plainte contre ce professeur – j’espère qu’ils se posent des questions, j’espère qu’ils doutent ! Je me demande aussi comment se sent leur enfant dont la sensibilité ils prétendait vouloir protéger et qui maintenant doit affronter ses camarades.

Oui, les mots blessent, et il faut bien les choisir. Ils blessent, mais ils ne tuent pas. Les couteaux, les balles – ils tuent, eux. « Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu ». Tout le monde, chrétien ou pas, connait ses mots. Le don du Parole nous est donnée – par le Dieu, par le nature, que chacun choisit la source. Mais ce don magnifique qui nous distingue des animaux, nous l’avons. Pourquoi n’en profitons-nous pas pour s’expliquer, pour se comprendre ? Pourquoi certains représentants de la race humains se comportent comme des animaux ? Aucune idéologie, aucune religion, aucune conviction ne peut justifier un tel comportement.

Le monde sans questions, sans doute, ne serait-il pas merveilleux et tellement plus facile à vivre ? Et non, car cela serait un monde sans réflexion, sans émotions, sans tête. Un monde décapité. Veut-on passer à nos enfants un monde décapité ?!

 

 

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