Le rapport de Phase 4 sur la Suisse adopté par le Groupe de Travail de l’OCDE sur la corruption le 15 mars dernier pointe du doigt des pratiques différentes selon les autorités de poursuite pénale en matière d’exemption de peine. Les examinateurs leur recommandent également de faire preuve de plus de transparence s’agissant des conditions dans lesquelles certaines affaires de corruption transnationales se clôturent, en particulier par le prononcé d’une condamnation par ordonnance pénale.
- Davantage de transparence pour les condamnations prononcées par ordonnance pénale
Cette recommandation de transparence fait écho à la volonté des autorités suisses de recourir fréquemment aux procédures dites « spéciales » pour résoudre dans les meilleurs délais les affaires de corruption transnationale complexes en réduisant les coûts, les aléas de l’entraide judiciaire, et les problèmes liés à la prescription. Les examinateurs ont exprimé l’opinion selon laquelle la Suisse doit renforcer et systématiser la publicité faite aux affaires de corruption transnationale conclues en application de ces procédures, « afin de ne pas donner l’impression d’une justice décidée hors des tribunaux et sans contrôles opportuns » (page 40 du rapport).
Parmi les procédures spéciales, celle de l’ordonnance pénale a régulièrement été mise en œuvre en Suisse en matière de corruption internationale. Celle-ci permet au procureur de prononcer, sans l’intervention d’un juge, une condamnation allant jusqu’à six mois de peine privative de liberté. Cet outil, qui a permis la condamnation de plusieurs personnes physiques et morales pour corruption, est jugé efficace par les examinateurs. Ceux-ci déplorent cependant l’absence de publication de ces décisions, ce qui restreint leur portée et surtout nuit à la transparence de l’action répressive. Les examinateurs recommandent ainsi à la Suisse de « rendre publiques, de manière plus détaillée, les raisons ayant motivé le choix de telle ou telle procédure ainsi que des conditions de la décision et des sanctions rendues ». (page 39 du rapport)
- Cohésion souhaitée entre les pratiques de la Confédération et des cantons en matière d’exemption de peine
D’autre part, le rapport de l’OCDE pointe également du doigt les pratiques divergentes des autorités de poursuites fédérales (Ministère public de la Confédération) et cantonales (Ministères publics cantonaux), s’agissant de l’exemption de peine au motif de la réparation.
A ce jour (cette disposition fait actuellement débat) l’art. 53 du Code pénal permet, à certaines conditions, de renoncer à poursuivre un auteur ayant réparé le dommage ou accompli tous les efforts pour compenser le tort qu’il a causé lorsque l’intérêt public et l’intérêt du lésé à poursuivre l’auteur pénalement sont peu importants. Le Ministère public de la Confédération a notamment fait usage de cette possibilité dans les célèbres affaires Alstom (dont la filiale suisse a été condamnée en Suisse) et Siemens (condamné en Allemagne et aux Etats-Unis), considérant qu’une fois les personnes morales précitées condamnées, il n’y avait plus d’intérêt public à poursuivre les personnes physiques impliquées.
Le rapport de l’OCDE précise que le Ministère public de la Confédération a depuis lors abandonné l’usage de l’art. 53 du Code pénal pour résoudre des affaires de corruption transnationale, estimant désormais que l’intérêt à la poursuite, dans de telles affaires, ne peut pas être considéré comme « peu important ».
Or, comme le soulignent les examinateurs de l’OCDE, certains Ministères publics cantonaux, eux aussi saisis d’affaires de corruption transnationale, ont une pratique bien différente. Le rapport mentionne les Ministères publics de Genève, Zurich et Zoug, qui continuent de recourir à l’art. 53 CP dans ces affaires. Ceux-ci ont louent l’utilité de ce mécanisme dans les affaires de criminalité économique complexe, afin de pallier aux problèmes de prescription et aux difficultés à recueillir des preuves. Les examinateurs déplorent ces différences qui nuisent à la lisibilité de l’action publique.