Affaires de droit

L’escroquerie: tout est dans l’astuce

Savoir si une personne a escroqué ou non une entreprise peut paraître simple. Et pourtant, des récentes décisions de justice montrent le contraire. Car face à un individu qui tente de les arnaquer, les entreprises ont une part de responsabilité qu’elles auraient tort de négliger.

Techniquement, la réalisation, ou non, de l’infraction d’escroquerie, dépend notamment de la question de savoir si l’auteur a agi ou non avec astuce. Et de celle de savoir si la victime aurait pu éviter d’être trompée, en observant les mesures de prudence élémentaires.

Qu’est-ce qu’une escroquerie?

Mais tout d’abord, qu’est-ce qu’une escroquerie en droit suisse ? Aux termes de l’art. 146 du code pénal, se rend coupable d’escroquerie, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne, la déterminant à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers. De quelle manière ? Par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais. Ou encore en confortant astucieusement la victime dans son erreur. En d’autres termes: sans astuce, pas d’escroquerie.

Qu’entend-on par astuce?

Selon la jurisprudence, il y a astuce lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène. Un comportement peut également être qualifié d’astucieux en présence de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée.

Le comportement de l’accusé n’est pas considéré comme astucieux si la dupe pouvait échapper à la tromperie avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle (voir notamment TF 6B_184/2017 du 19 juillet 2017).

Le cas de l’imprimante à 2200 francs

C’est ainsi que le Tribunal fédéral a jugé l’an dernier que celui qui, dans le cadre d’une vente conclue sur internet, livre contre facture un produit d’une importante valeur marchande à un inconnu sans examiner, au moins de manière sommaire, la solvabilité de celui-ci, omet de prendre les précautions les plus élémentaires et agit avec légèreté. Selon le Tribunal fédéral, la commande par un particulier d’une imprimante à haute performance pour un prix de 2200 francs ne constitue pas une opération courante. Il a ainsi nié qu’il y ait eu tromperie astucieuse de la part de l’acheteur, qui n’avait pourtant ni la volonté ni la capacité de payer. En effet, il aurait été aisé au vendeur de se protéger contre l’insolvabilité de l’acheteur en ne livrant l’imprimante qu’après avoir reçu le paiement, de sorte que l’acheteur ne saurait être condamné pour escroquerie (ATF 142 IV 153).

Escroquerie à l’assurance

A l’inverse, le Tribunal fédéral a récemment rappelé que le fait d’annoncer à son assureur un faux cas de sinistre constitue une tromperie astucieuse permettant de retenir l’infraction d’escroquerie. Le fait que l’assurance néglige de vérifier l’état du véhicule avant de conclure le contrat d’assurance, facilitant ainsi la tromperie commise par l’assuré qui déclare un sinistre alors que le véhicule était déjà abîmé avant la conclusion du contrat d’assurance, ne constitue pas une légèreté permettant de nier le caractère astucieux de la tromperie. Un tel comportement passé de la victime ne saurait permettre d’écarter toute astuce de sorte que l’on est bien en présence d’une escroquerie (en l’espèce au stade de la tentative). La victime doit au demeurant avoir la possibilité de corriger la situation précaire dans laquelle elle s’est mise (TF 6B_184/2017 du 19 juillet 2017).

Comme quoi, la qualification d’escroquerie ne va pas de soi et la co-responsabilité de la victime peut parfois, mais pas toujours, permettre à un escroc d’échapper à toute condamnation.

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