Vasella: vrai naïf ou faucon ?

Glorieuse levée de boucliers autour des indemnités de départ et de non concurrence de Daniel V. à Bâle. Et que le bon peuple hurle son ras-le-bol et que les bien-pensants nous fassent part de leur degoût et que Mme Sommaruga en perd son latin et que le patron de Swissmem s'en étrangle et qu'on s'arrache officiellement les cheveux chez Economiesuisse. Ahhhhhhh !!!!!!! le beau cadeau fait ainsi aux partisans de l'initiative Minder et blablabli et blablabla.

Et si… Si quoi ? Imaginons un instant que Daniel V. qui est sans doute un être agréablement cupide, mais pas nécessairement idiot savait parfaitement ce qu'il faisait en laissant "fuir" cette belle histoire de ses 72 millions juste avant la votation Minder ? Et cela, avec l'aimable complicité d'une partie d'Economiesuisse, dont, soit dit au passage, l'arrogante campagne anti Minder a été un véritable cadeau pour les partisans de l'initiative.

Dans quel but ? Ben évidemment de contribuer à ce que l'initiative soit acceptée, tout en faisant croire qu'on s'y oppose… Car si elle l'est, le Parlement pourra sans doute faire trainer les choses quelques années durant et nous pondre une loi édulcorée qui fera l'objet d'un réferendum et que d'ici là, on continuera à se servir dans la caisse dans la joie et la bonne humeur !

Si c'est le contre-projet qui passe, fini la rigolade et même s'il ne va pas aussi loin que l'initiative, il fera un peu bobo aux patrons. Et tout de suite.  Alors, Vasella ? vrai naif ou faucon ?
 

Impérialisme orgiaque

Ainsi, donc, un Romand s'est vu interdire d'entrée aux Etats-Unis après une mauvaise blague dans un e-mail. Il craint avoir été victime des grandes oreilles américaines.

C'est bien possible car la NSA (National Security Agency) se targue d'intercepter, sans exception, la totalité du trafic de communications mondial (téléphone, email, fax, réseaux sociaux etc.) et il lui arrive de se planter, ses ordinateurs n'étant pas infaillibles. La NSA ? c'est quelque 60.000 collaborateurs, une cinquantaine de stations d'écoute dans le monde, une douzaine de satellites et un budget estimé à 60 milliards par an, l'équivalent du budget de la Confédération.

Son programme Echelon, auquel collaborent le Canada, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle Zélande fait l'objet de bien des spéculations, mais on le sait capable de trier aussi bien les communications écrites que verbales et de décrypter des messages d'apparence anodine.

Comme cela n'a pas l'air de choquer grand monde, on laisse faire. Et ce n'est pas notre ministre des affaires étrangères (c'est qui déjà ?) qui va intervenir. On ne fait pas d'omelette sans casse d'oeufs et la lutte contre les méchants fera d'autres victimes collatérales. Tant pis pour ceux qui sont refoulés sans raison ou grillés quelques heures durant par d'aimables fonctionnaires de l'immigration US.

Pendant qu'on cause impérialisme, sachez encore qu'à l'étranger, les Etats-Unis disposent d'un millier de bases et d'installations militaires dans 150 pays, que 180.000 soldats y sont stationnés et que cela leur coûte quelque 170 milliards de francs par année.

Il est donc temps de se rappeler le discours d'adieu du Président Eisenhower (commandant en chef des forces alliées en Europe pendant la seconde guerre mondiale), le 17 janvier 1961:

Cette conjonction d'une immense institution militaire et d'une grande industrie de l'armement est nouvelle dans l'expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie partout… Nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications…Nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée…exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d'une désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques…

 

Les folies de Chun Yun 春运

Depuis l'an 2.367 avant J.C, et sous l'impulsion de l'Empereur Huang Ti, la Chine, tout comme de nombreux pays du Sud Est asiatique, fêtent le nouvel an lunaire. Cette année, l'année nouvelle, l'année du serpent, commence le 10 février.  Au cours des 3-4 semaines de festivités qui entourent Chun Yun, ce festival du printemps, plus d'un milliard de Chinois se déplaceront pour passer les fêtes en famille.

 

Une bonne occasion pour tenter de saisir le gigantisme de cette Chine, qui, chaque jour de l'année enregistre en moyenne 50.700 naissances et dont 10 villes (y compris 5 dont vous n'avez probablement jamais entendu parler (Shijazhuang, Hangzhou, Zegzhou, Changchun et Jinan) comptent chacune plus d'habitants que toute la Suisse.

C'est parti pour quelques chiffres:

– 3 milliards de personnes prendront un bus au cours de cette période

– 225 millions de personnes prendront le train (photos ci-dessus, la gare principale de Shanghai)

– 36 millions de personnes voyageront en avion

– 325 vols supplémentaires sont prévus entre la Chine et Taiwan (en plus des 630 vols hebdomadaires)

– 120.000 personnes visiteront quotidiennement la Cité Interdite à Beijing

– 39 heures et 20 minutes: durée du voyage que fera en train et en bus (aller-simple) une de mes connaissances pour se rendre de Beijing à   son village près de Urumqi, où habite sa famille. Sans compter les 7 (!) heures de queue qu'il a fait pour acheter son billet

– 7,2 milliards de francs: la somme que dépenseront les Chinois qui passeront leur nouvel an à l'étranger en produits de luxe (+ 28 %)

– 12.000: nombre de mariages célébrés à Beijing le 4 janvier 2013 (date dont la prononciation en chinois s'apparente à "je t'aimerai à jamais"), et donc à temps pour présenter son nouveau conjoint à la famille au cours du nouvel-an.

– 1: le nombre de gros problème auquel nombre de couples doit faire face. Avec la politique de l'enfant unique, il n'y a pas de frères et soeurs et donc, chez qui va-t-on passer les fêtes ? Chez les parents du mari ? ceux de l'épouse ? Un sacré casse-tête…sauf pour ceux qui ont les moyens – et le temps – de passer quelques jours chez les uns et les autres.

Sexe et faux Q

Le sexe est une mine d'or. Moins sans doute pour celles et ceux qui vendent le leur que pour les exploitants… Googlez "sexe" et 139 millions de références apparaissent en 0,27 secondes ! Googlez "cerveau" et seules 20 millions de références apparaissent. C'est dire…

Les media adorent et manifestement, le public est demandeur. Il ne s'écoule guère de semaine sans un reportage TV sur la prostitution, la sortie largement commentée d'un bouquin sur les expériences échangistes de Mme X, les plaisirs et dangers des pratiques sado-maso ou un article sur l'art de pratiquer les fellations. Bref, si le sexe n'existait pas, il faudrait l'inventer…

Ces derniers jours, j'ai donc notamment pu suivre un reportage de la RTS sur la prostitution dans les stations de ski. J'ai lu un article dans "20 Minutes" relatant les misères d'une prostituée face à la concurrence "low cost" des fille de l'Est. Le "Blick" m'a montré les seins de sa "star du jour", des "sex-addicts" m'ont raconté leur enfer ("je ne pensais plus qu'au cul") et "Le Matin", le quotidien le plus sexe de Romandie m'a gavé de centaines d'annonces "charme" (sic) du genre: "25 ans, poitrine XXL, sodomie, 3ème âge, gode, très chaude", tout en me suggérant d'aller me balader sur son site spécialisé lmcharme.ch, histoire de mater quelque 600 annonces de cul bien croustillantes.

Ce blog étant classé "économie", on se doit de parler chiffres, non ? Alors, allons-y ! S'il y a de l'offre, c'est qu'il y a de la demande. L'offre ? Quelque 2.200 prostituées actives dans l'arc lémanique (190 salons rien que dans le canton de Vaud…), La demande ? On estime que plus de 15 % des habitants mâles de la Romandie âgés entre 18 et 70 ans, soit près de 75.000 hommes visitent plus ou moins régulièrement un/e prostitué/e. Chiffre d'affaires annuel estimé: 280 millions de francs.

Les Romands sont très friands de prostitution nous disent les media. Et très gâtés: grâce à la libre circulation des personnes, les filles du monde entier affluent vers cet Eldorado du sexe qu'est la Suisse, pouvant travailler 3 mois chez nous sans être soumises à l'impôt ! Une aubaine pour les consommateurs, car, comme le veut une des règles de base de l'économie, quand l'offre est supérieure à la demande, les prix tendent à baisser…

Excellente occasion donc pour les media – agréablement faux-Q en la matière – de remettre la compresse en nous fournissant des infos sur les tarifs (en chute libre), tout en s'inquiétant de ce phénomène auquel ils donnent tant de publicité…

Pourquoi un blog sur ce sujet ? Parce que, comme déjà dit, le sexe fait vendre. Et que si j'avais écrit un blog sur la politique monétaire des Banques centrales, comme l'a récemment fait un de mes excellents confrères, vous seriez sans doute moins nombreux à me lire…

Youpee, la crise est finie!

Hosanna au plus haut des cieux, la crise est derrière nous ! clament en choeur les gourous de l'économie. Merci St Davos, merci Ste Lagarde ! Mouais… Il me semble que si les riches peuvent à nouveau souffler, il n'en va pas de même pour les moins nantis, qu'ils soient en Suisse, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en France ou ailleurs.

Plus de 2,7 millions de poursuites ont été engagées en Suisse l'année dernière dont environ la moitié découlant d'un problème d'assurance maladie ou d'impôts. Jeunes et moins jeunes sont à la même enseigne.

Est-ce dû à un appauvrissement généralisé ? Pas uniquement, affirme Stefan Broger, président de la Conférence suisse des préposés aux poursuites et faillites. Dans une interview dans "Blick", il précise que si le manque de moyens est une cause fréquente, nombre de personnes qui ne paient pas leurs cotisations d'assurance maladie savent parfaitement qu'en fin de compte, l'Etat intervient et donc, se moquent bien d'être aux poursuites.

La pauvreté, tout comme le "je-veux-tout-et-tout-de-suite", ont augmenté dans des proportions alarmantes et si nombreux sont celles et ceux qui manquent de moyens, d'autres vivent au-dessus des leurs, dépensant de l'argent qu'ils n'ont pas. Toujours est-il que l'assurance CSS a entamé 130.000 procédures de poursuite en 2012  (+12 %), la Concordia 50.000 et la Swica 34.472, pour ne citer qu'elles. Combien sont adressées à des personnes démunies ? combien à d'auters qui préfèrent acheter une nouvelle voiture ou une installation de home cinéma que de payer leur assurance maladie? Impossible de le savoir.

Dans un cas comme dans l'autre, une fois le commandement de payer envoyé, les caisses ne remboursent plus et les soins d'urgence sont alors à la charge des cantons. Une facture qui s'élève à quelque 300 millions de francs en 2012, à charge de la collectivité.

N'empêche, il y a sans doute plus de personnes pauvres que de profiteurs et cette pauvreté est un réel problème en Suisse. Si le magazine Bilan se plait à nous rapporter que les 300 plus riches de Suisse totalisent 544 milliards de francs de fortune, il omet – mais c'est peut-être pas son rôle – de mettre en parallèle les 600.000 personnes qui, dans notre pays, vivent en dessous du seuil de la pauvreté (fixé à 2.250 francs/mois pour une personne seule et 4.000 pour un ménage de deux adultes et deux enfants en 2011).

Aussi longtemps qu'en Suisse, des gens ne mangent pas à leur faim, ne pourrait-on pas demander à ces heureux multimillionnaires – souvent étrangers aux bénéfice d'un permis de séjour ou d'établissement – de verser une contribution exceptionnelle de 1 pour 1.000 de leur fortune, soit 544 millions, destinés à un fonds de solidarité pour venir en aide aux personnes en situation de précarité? Je sais, je sais, c'est une proposition populiste et fastoche et il y a mille et un arguments à y opposer.  Mais l'étalage de richesses, les salaires abusifs des Ospel, Vasella et consorts, ces oligarques qui s'achètent des villas à 40 millions et ces mamie-Cayenne qui s'exhibent à Verbier ou St-Moritz a quelque chose d'obscène dans un pays dans lequel la pauvreté est discrète et souvent perçue comme honteuse. Vous avez d'autres idées ? Elles sont les bienvenues…

Les chantres du Forum (fable)

Maître journaliste à son bureau affalé,

Tenait dans sa main un PC.

Maître Klaus Schwab, par la pub alléché,

décida de ne point résister.

"Hé ! bonjour Monsieur du Journaliste.

Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !

Sans mentir, si vos textes sont aussi pointus

Que votre intellect est charnu,

Vous êtes LA personne qu'il nous faut.

Votre pèlerinage au Forum

Ne vous coûtera pas un sou.

Vous côtoierez des surhommes !

Vous serez leur chouchou !

A ces mots, Maître Journaliste, flatté

A Davos s'empressa d'aller

Pour y chanter, sans hésiter,

Par écrit, en radio, en TV

Les louanges de ses hôtes, charmés.

Sa voix est claire, le chant très beau

La tessiture ? de soprano.

Tel Farinelli, dont le timbre de voix

provenait, certes c'est un peu grivois,

de la totale ablation des noix.

Son sens critique aux oubliettes,

Il part ainsi pour faire la fête

Ravi que quelques jours durant

On le confonde avec ces "grands";

Est-il acheté ? est-il vendu ?

Ou s'est-il simplement perdu ?

 

Près de 500 journalistes, invités, suivront le Forum de Davos du 23 au 27 janvier. Ils produiront des centaines d'heures de reportages et pondront des milliers d'articles et de blogs. Et ce ne sont pas les éventuelles manifestations anti-Davos qui troubleront Klaus Schwab, le fondateur du Forum. Comme Mistinguett, il pourra dire dire: "l'essentiel est que l'on parle de moi. En bien ou en mal, cela n'a pas d'importance, pourvu qu'on en parle !"

Reconnaissons-lui le génie d'arriver à réunir, année après année, ces dirigeants politiques et économiques, moins intéressés à suivre les débats – auxquels les media sont conviés – qu'à réseauter à l'abri des regards indiscrets. Cela coûte quelque 60 millions de francs à la Confédération – y compris les 4.700 soldats mobilisés pour la sécurité – mais c'est moins qu'un demi Gripen et les retombées sont financièrement plus intéressantes.

Un petit florilège des chiffres pour terminer: chacun des 2.500 participants payera en moyenne 100.000 francs, voyage et hôtel compris (mais pas de sa poche…). La location d'un chalet de 5 chambres à coucher revient à 120.000 francs pour la semaine; une voiture avec chauffeur: 8.000 francs pour la même période et le trajet en hélico entre Kloten et Davos coûte 6.000 francs aller-retour. 1.400 participants feront le trajet sur Zurich à bord de jets privés (il y a 79 places de parc pour ces jets à Kloten et à l'aéroport militaire de Dübendorf) et 85,71 % de nos Conseillers fédéraux, soit 6 sur 7, seront sur place.

(Avec mes remerciements à Jean de la Fontaine et au Livre de l'Ecclésiaste qui nous rappelle que tout est vanité…)

Respirer tue !

Pour les gros fumeurs, Beijing est une destination de rêve: se faire deux paquets par jour est bien moins nocif que de respirer l'air pollué de la ville. Fumer en plein "air" pourrait d'ailleurs devenir la dernière mode en matière de suicide lent: ces derniers jours, le record absolu de pollution a été largement battu avec 993 microgrammes de particules fines par m3, soit 30 % de plus que le record précédent. Au point d'ailleurs que les instruments usuels de mesure ne sont plus à même de suivre, que par mesure de précaution, certaines usines ont cessé temporairement leurs activités et que les 20 millions d'habitants ont été priés de rester chez eux si possible.

Pour mémoire, un taux inférieur à 50 est considéré comme "sain" et un taux de 500 est gravissime, ces particules étant assez petites pour pénétrer le flux sanguin et endommager les poumons de manière durable. Causes principales: les nombreuses usines qui utilisent du charbon, la circulation automobile et l'absence de vent.

Et cela ne va pas s'améliorer rapidement: avec ses 45 ville de plus de 2 millions d'habitants, une urbanisation et un bien-être croissants, un réseau autoroutier en pleine expansion, la Chine est devenue le plus important marché mondial de l'automobile (19,3 millions de véhicules vendus en 2012, croissance projetée 2013: + 10 %).

Certaines villes, comme Beijing, ont introduit la circulation alternée: selon le dernier chiffre du numéro de la plaque, on peut conduire certains jours, d'autres pas. Mais ceux qui en ont les moyens – et ils sont nombreux – ont soit acheté une deuxième voiture ou se sont procuré une seconde paire de plaques d'immatriculation et roulent quand cela leur chante.

Certes, la vente de véhicules "verts" croit également, mais pas aussi rapidement que les grosses cylindrées friandes en essence. Prisées par le million de millionnaires que compte la Chine, ces Rolls (il s'en vend 3 par jour en Chine), Bentley (2.253 ventes en 2012), Lamborghini (350 ventes en 2012) ou Jaguar Rover (73.347 ventes) partent comme des petits pains.

On estime à 2.000 par jour le nombre de décès prématurés dû à la pollution en Chine. Mais avec une croissance quotidienne nette de 23.300 personnes, polluer plus ne semble pas être la meilleure réponse au problème de la surpopulation.

 

 

Taxes EPFL: les opposants ont raison!

J'ai changé d'avis. D'accord avec ceux qui disent il ne faut pas augmenter la taxe d'études.

Deux raisons à cela: de bons arguments évoqués dans les nombreux commentaires à mon blog et notamment des arguments convaincants de "iouda" et de "david" (http://www.hebdo.ch/les-blogs/wyler-michael-post-scriptum/taxes-epfl-pauvres-chouchous).

La seconde raison est que, préoccupé comme nombre d'entre vous par la croissance de la criminalité et ses conséquences, j'ai effectué quelques recherches et ai ainsi appris que rien que dans le canton de Vaud, quelque 700 personnes étaient détenues et que le budget annuel du Service pénitentiaire vaudois avoisinait les 100 millions de francs.

En clair: un prisonnier coûte en moyenne 142'857 francs par an à la collectivité (même si une simple division est un calcul un peu simpliste), alors qu'un étudiant n'en coûte en moyenne que le quart (en moyenne, 31.850 francs par an).

Il vaut d'ailleurs la peine de se pencher une fois sur le coût direct et indirect de la criminalité en Suisse… Plus de 6.000 détenus dans 113 bâtiments cellulaires, un taux d'occupation moyen de 91 % et un taux de récidive de 25 %. Je sais que ce n'est pas politiquement correct de l'évoquer, mais 70 % de ces détenus sont des étrangers (avec ou sans permis), dont près de la moitié en préventive, pour prévenir un risque de fuite (touristes, frontaliers ou personnes en situation illégale).

La durée des peines s’allonge et les places se font rares dans les pénitenciers, commentait récemment à ce sujet "Le Temps", précisant qu'en 2011, "50 condamnés attendaient de pouvoir purger leur peine à Bostadel (ZG), Lenzbourg (AG) ou Thorberg (BE), environ 120 personnes figuraient sur la liste d’attente de Pöschwies (ZH), où le délai pour une place est de huit à neuf mois. Les cantons romands et le Tessin ne s’en sortent pas vraiment mieux avec une attente pouvant aller jusqu’à une année".

Tout cela a évidemment un coût prohibitif (pas loin du milliard de francs par année, sans même parler des conséquences pour les victimes et leurs assurances). D'ailleurs, le confort de nos prisons est un argument que Suisse Tourisme n'a pas besoin d'évoquer: on se pousse au portillon pour y passer l'hiver, bien au chaud, nourri, logé blanchi et soigné aux frais de la princesse.

Donc, les 10 millions que rapportait une hausse des taxes d'études à l'EPFL, c'est du pipi de minet et même si l'un n'a pas vraiment de rapport avec l'autre, je reste opposé à cette hausse des taxes. Et puis si on peut claquer 100 millions pour un seul avion de combat Gripen, on a encore de quoi favoriser l'accès aux études des moins nantis…

Marc de café ou entrailles de poulet ?

Etre grassement payé pour dire et écrire n'importe quoi ? Fastoche ! Mais pas en écrivant un blog pour l'Hebdo… Il vous reste donc le choix entre les rubriques astrologiques des media ou un poste de chef économiste dans une des nombreuses banques du pays. Dans un cas comme dans l'autre, c'est de la franche rigolade, car les gourous se gourrent plus souvent qu'à leur tour.

Un exemple: la bourse suisse (l'indice SMI) a pris 16 % en 2012, un excellent crû donc. Or, le chef économiste de la banque Sarasin, interrogé par "Blick" au début 2012, voyait un indice à 6.500 pour l'été. manque de bol, on était à 5.712.

Le gourou d'or 2012 catégorie "si j'dis, c'est que je sais, car quand j'sais pas, j'dis pas" revient à Daniel Kalt, l'économiste en chef de UBS qui annonçait mi-janvier 2012 que le 20 mars, la Grèce serait en faillite. "Vous pouvez déjà inscrire cette datte en rouge dans votre agenda". Circonstance atténuante: il travaille pour UBS, la banque qui (se) trompe énormément…

Gourou d'argent, catégorie "c'est pas demain la veille", revient à Jean-François Richard, économiste, journaliste financier depuis 30 ans et directeur de Bourse Anticipations, une lettre boursière de prévisions astrologiques pour cette prophétie: "dès mi 2012, avec un carré Uranus/Pluton, la reprise sera ébranlée…on peut affirmer que vers 2020, une grande respiration générale se fera ressentir."

Enfin, le gourou de bronze, catégorie "j'en sais pas plus que vous, mais je dois bien justifier mon salaire" revient à l'équipe du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) pour son remarquable: "les perspectives pour les mois à venir sont mitigées".

Que les nombreux autres candidats non retenus dans le palmarès de cette année veuillent bien m'excuser. Leurs prévisions n'étaient généralement pas meilleures que les autres, juste moins drôles. Ils gardent toutes leurs chances 2013, puisque, comme aime nous le rapeller la Fédération des entreprises romandes: les prévisions conjoncturelles sont un facteur essentiel pour permettre aux PME d'orienter leur comportement en termes d'investissements"

Terminons avec une pincée de prévisions personnelles pour 2013: de nombreux politiciens suisses s'inquiéteront de la croissance de la criminalité. Ils ne feront rien (à part l'UDC malheureusement) et Noël tombera en décembre.

Hit-parade de l’indifférence

Ainsi donc, plus de 60.000 personnes ont été tuées en Syrie depuis le début du "printemps" syrien, il y a deux ans. Presque 7 fois plus que le nombre de personnes tuées au cours des 20 années écoulées dans le conflit israelo-palestinien (8.891 morts). Ces deux conflits ne suscitent toutefois pas les mêmes réactions, ni des media, ni du public. Comme l'écrit Etienne Augé: "le conflit syrien ne parvient pas encore à imposer son histoire, malgré la répression sanglante qui montre la souffrance sinon de tout un peuple, en tout cas d'une grande partie des Syriens".

Il poursuit: "lorsqu’un conflit éclate, les médias s’en emparent et y sensibilisent l’opinion publique. Mais s’il s’embourbe et s’installe dans le quotidien, les mêmes médias lui préféreront un autre événement de nature à attirer un public avide de nouveautés.

On estime à environ dix jours la capacité d’un drame, guerre ou catastrophe naturelle, à monopoliser l’attention des médias occidentaux. Dans le cas de la Syrie, la répression a été dénoncée avec force au départ, mais comme aucune réaction de nature à marquer l’opinion publique n’a été prise de la part des gouvernements occidentaux, les médias se sont rapidement détournés de ce conflit qui ressemble à toute autre répression dans toutes les dictatures du monde".

Regardez ci-dessous la liste des conflits intervenus depuis 1950 et ayant fait au moins 50.000 victimes. Auquel (auxquels) avons-nous été (sommes-nous) le plus sensible ? Lequel a provoqué le plus de réactions indignées, voire d'interventions ? Lequel a été (ou est) le plus médiatisé ? Je vote pour le No 49 et laisse volontiers à chacun le soin de faire son choix et de tenter de s'en expliquer les raisons…

 

1

40.000.000

Chine communiste, 1949-76 (tueries pures et simples, famines provoquées, goulags)

2

10.000.000

Bloc soviétique: fin du stalinisme, 1950-53; post-stalinisme, jusqu'en 1987 (essentiellement les goulags)

3

4.000.000

Éthiopie, 1962-92: communistes, famines artificielles, génocides

4

3.800.000

Zaïre (Congo-Kinshasa): 1967-68; 1977-78; 1992-95; 1998 à nos jours

5

2.800.000

Guerre de Corée, 1950-53

6

1.900.000

Soudan, 1955-72; 1983-2006 (guerres civiles, génocides)

7

1.870.000

Cambodge: Khmers Rouges 1975-79; guerre civile 1978-91

8

1.800.000

Guerre du Vietnam, 1954-75

9

1.800.000

Afghanistan: tueries soviétiques et intestines, talibans 1980-2001

10

1.250.000

Pakistan occidental, massacres au Pakistan oriental (Bangladesh 1971)

11

1.100.000

Nigeria, 1966-79 (Biafra); 1993 à nos jours

12

1.100.000

Mozambique, 1964-70 (30.000) + après le retrait du Portugal 1976-92

13

1.000.000

Guerre Iran-Iraq, 1980-88

14

900.000

Génocide du Rwanda, 1994

15

875.000

Algérie: contre la France 1954-62 (675.000); entre les islamistes et le gouvernement 1991-2006 (200.000)

16

850.000

Uganda, 1971-79; 1981-85; 1994 à nos jours

17

650.000

Indonésie: marxistes 1965-66 (450.000); Timor oriental, Papouasie, Aceh, etc. 1969 à nos jours (200.000)

18

580.000

Angola: guerre contre le Portugal 1961-72 (80.000); après le retrait du Portugal (1972-2002)

19

500.000

Brésil contre ses Indiens, jusqu'en 1999

20

430.000

Vietnam, après la fin de la guerre en 1975 (propre population; «boat people»)

21

400.000

Indochine: contre la France, 1945-54

22

400.000

Burundi, 1959 à nos jours (Tutsis/Hutus)

23

400.000

Somalie, 1991 à nos jours

24

400.000

Corée du Nord jusqu'en 2006 (propre population)

25

300.000

Kurdes en Iraq, en Iran, en Turquie, années 1980-1990

26

300.000

Iraq, 1970-2003 (Saddam Hussein contre des minorités)

27

240.000

Colombie, 1946-58; 1964 à nos jours

28

200.000

Yougoslavie, régime de Tito, 1944-80

29

200.000

Guatemala, 1960-96

30

190.000

Laos, 1975-90

31

175.000

Serbie contre Croatie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, 1991-1999

32

150.000

Roumanie, 1949-99 (propre population)

33

150.000

Liberia, 1989-97

34

140.000

Russie contre Tchétchénie, 1994 à nos jours

35

150.000

Guerre civile libanaise, 1975-90

36

140.000

Guerre du Koweït, 1990-91

37

130.000

Philippines: 1946-54 (10.000); 1972 à nos jours (120.000)

38

130.000

Birmanie/Myanmar, 1948 à nos jours

39

100.000

Nord Yémen, 1962-70

40

100.000

Sierra Leone, 1991 à nos jours

41

100.000

Albanie, 1945-91 (propre population)

42

80.000

Iran, 1978-79 (révolution)

43

75.000

Iraq, 2003 à nos jours (troubles intérieurs)

44

75.000

El Salvador, 1975-92

45

70.000

Érythrée contre Éthiopie, 1998-2000

46

68.000

Sri Lanka, 1997 à nos jours

47

60.000

Zimbabwe, 1966-79; 1980 à nos jours

48

60.000

Nicaragua, 1972-91 (marxistes/autochtones, etc.)

49

51.000

Conflit israélo-arabe de 1950 à nos jours