Moi, Michael Wyler, j’me marre !

 

Allez ouste ! Du balai ! Viré ! “Le Temps” ne veut plus de moi, mes textes ayant une ligne éditoriale (sic) trop éloignée de celle de ce quotidien.  Ce blog est donc mon petit dernier.

Mais alors, pourquoi est-ce que je me marre ?

A dire vrai, j’ai d’abord été un peu vexé. Viré ? Moi ? L’ancien, le vieux de la vieille, fondateur du premier “Hebdo”, collaborateur de Catherine Wahli lors des premières années de ABE ? Journaliste indépendant et chroniqueur à “La Suisse”, au “Matin”, à “L’Hebdo”, “L’Illustré”, etc. ? Moi qui ai connu Darius en culottes courtes, Jacques Pilet adolescent boutonneux et Doris Leuthard stagiaire avocate (j’exagère un peu…) ?

Puis, j’ai réalisé qu’en me virant, Stéphane Benoît Godet, rédacteur en chef du Temps, venait en réalité de me faire le plus grand compliment de ma carrière. Il me disait en somme  “t’es pas dans la ligne; tu déranges”. Ce qui devrait être le rêve de chaque journaliste ! Avec son petit email pompeux, SBG venait de m’envoyer rejoindre le panthéon des “politiquement incorrects”, les Barrigue, Desproges, Jack Rollan, Narcisse-René Praz et tant d’autres ! Je ne me reconnais ni leur courage, ni leur talent. N’empêche… cela fait du bien de m’identifier à eux. Et cela m’a rappelé la seule fois où je m’étais fait virer auparavant.

C’était au “Matin”. Preuves à l’appui, j’avais dénoncé le Club Med, qui à l’époque, s’achetait des reportages favorables, cash et séjours offerts. Gros annonceur dans les titres du Groupe Lamunière, le Club avait alors exigé qu’il soit mis un terme à mon mandat.

 

Et donc, j’me marre, car d’une certaine façon, en me faisant ce compliment, Benoît Godet implique que les blogueurs qui auront survécu à la purge – certains manquent, parait-il, de régularité – sont tous bien-comme-il-faut et propres-en-ordre dans la “lignée éditoriale” du Temps. Je ne suis pas certain que tous s’en sentiront flattés.

Tout comme je doute que “ligne éditoriale” et  “pensée unique” sauveront le journalisme. Certes, mes futurs ex-collègues ne sont pas (tous) des veaux, loin de là. Leurs analyses et réflexions intéressent peut-être plus les lecteurs que mes papiers d’humeur, provocations et moqueries. N’empêche, j’étais heureux naguère de savoir Jean Ziegler au Parlement. Il y en avait au moins un, parmi ces notables aux lèvres pincées, qui essayait de secouer les consciences. Je trouvais sa présence et ses dénonciations aussi indispensables que saines, même si nous étions souvent en désaccord.

La fonction d’empêcheur de tourner en rond me paraît aussi indispensable à la démocratie, que ne l’était autrefois celle de “fou du Roi”, eux qui étaient les seuls à pouvoir se moquer du souverain sans conséquences, même si la satire constituait toujours un risque, parfois un péril. Aujourd’hui, cela demande bien moins de courage et les risques sont limités. N’empêche, les “fous” se font hélas rares et donc, les détenteurs de pouvoir toujours plus abusifs.

J’ai toujours aimé tenter de remplir ce rôle de “fou”. Le Temps n’en veut plus ? C’est son droit. J’ai trouvé auprès de bonpourlatete.com une auberge accueillante pour des reportages. Peut-être que cette auberge acceptera aussi d’accueillir les chroniques du fou.

D’ici là, merci à vous qui m’avez lu et souvent apporté des commentaires enrichissants.

 

Michael Wyler

Heureux retraité, Michael Wyler est un ex. Ex avocat, ex directeur de feu le Groupe Swissair en Chine et ex dircom. Au passé comme au présent, journaliste, chroniqueur, père de Jonathan et Julie, dont il est fier, tout autant qu'il l'est de son épouse Cécile, hypnothérapeute, enseignante en hypnose et PNL, auteur et conférencière.

15 réponses à “Moi, Michael Wyler, j’me marre !

  1. Déjà à l’école tu étais à contre-courant et contestataire, et ça ne s’est pas arrangé avec l’âge, mais tu n’as pas réussi à te faire virer de l’Ecolint, il te manquera toujours cette médaille, je te prête la mienne volontiers !! À tout bientôt dans un journal, mail, almanach Vermot, Ici Paris, Vogue, qu’importe du moment que tu continues à nous faire sourire et méditer.

  2. Ben en supprimant tes blog il me perde comme lecteur car si tu n es pas dans leur ligne editorials alors ils ne sontbpas/plus dans la mienne .

    1. merci ! ca me touche et si 25.000 lecteurs font comme toi, il n’y aura plus de lecteurs du Temps 🙂

  3. Et qu’est-ce qui dérange ? Qu’est ce qui n’est pas dans la ligne éditoriale ?
    Quelle déception ! Le temps est une câtin comme son paronyme Le Matin ?

    1. Le Temps ? C’est l’argent. Et donc, laisser un tordu se moquer des riches et puissants, c’est se tirer une balle dans le pied

  4. Vous avez raison d’en rire parce qu’il ne mériteraient pas votre dépit ni votre colère. Je fais depuis quelques années le constat de cette presse médiocre à genoux devant ses maîtres et je m’attriste de ses lecteurs consentants. C’est grave ce qui se passe. Ne changez pas, les gens comme vous sont précieux. Eux sont des fossoyeurs de l’intelligence. De la liberté. De la diversité et même de la démocratie. Vive la presse libre!

    1. Merci pour ces mots encourageants… et ce gentil compliment. J’ai eu du plaisir à me balader sur votre site.

  5. Stupéfait de vous voir obligé à quitter le navire. J’adorais vous lire. Si la liberté d’expression fout le camp, tout fout le camp. Heureusement, je suis également abonné à Bon pour la tête. Bonne suite.

  6. Quelle erreur, de vous balayer d’un revers de main. Vous qui soulevez avec tant de justesse et d’éclat de rire tant d’absurdités dans ce monde…. Ne lâchez surtout pas votre plume incisive et joyeuse, qui laisse s’épanouir tant de réflexions justifiées !

    1. Merci, merci ! Je vais m’installer dans une nouvelle auberge, crée en majeure partie par des anciens de l’Hebdo: bonpourlatete.com. Avec un peu de chance, je mourrai de vieillesse avant qu’ils ne disparaissent – ou me virent à leur tour 🙂

Les commentaires sont clos.