Halliburton et la marée noire: “Moi, David Lesar, je me marre…”

Halliburton, la boîte dont je suis El Supremo (président, directeur général, etc.), vient de plaider coupable de destruction de preuves. Et pas de n'importe lesquelles: celles qui concernent notre rôle dans la marée noire d'avril 2010 dans le Golfe du Mexique, le pire désastre environnemental de l'histoire des Etats-Unis.

 

Je vous passe les détails. En gros, c'est nous qui avons construit le coffrage en béton de la plate-forme Deepwater Horizon de British Petroleum. Je vous rafraîchis la mémoire ? C'est celle qui a explosé en tuant 11 personnes, a déversé des centaines de millions de litres de pétrole dans la mer et a pollué 1.700 km de côtes. Un record difficile à battre ! Or, la qualité de ce coffrage était aussi douteuse que nombre de déclarations de mon prédécesseur, Dick Cheney, alors qu'il était vice-président des Etats-Unis !

Nous le savions. Comment ? Avant de poser ce coffrage, nous avions réalisé des simulations par ordinateur et connaissions le risque. Mais il fallait économiser… Nous avons donc fait disparaître ces simulations illico presto, écrabouillé tous les disques durs et avoué notre grande faute. Un mea culpa en bonne et due forme ! Résultat des courses ? Une amende de 200.000 dollars (le maximum prévu par la loi) et une contribution "volontaire" de 55 millions à une Fondation pour l'environnement en échange de l'assurance de ne pas être poursuivis pénalement. Bien joué, non ? Pas étonnant que je sois payé 17 millions par an… Et puisque nous faisons dans la transparence, j'avoue aussi que si je suis domicilié à Dubai, ce n'est pas que pour le climat: je suis un peu allergique aux ponctions fiscales…

Plus marrant encore: cette amende nous coûte l'équivalent de 35 minutes notre bénéfice annuel, soit moins de temps qu'il ne vous faut pour lire un numéro de l'Hebdo ! Cerise sur le gâteau, notre aveu est aussi un sympathique coup de main à mes copains de BP, même si officiellement, on se tape sur la gueule via tribunaux pour savoir qui est responsable de cette merde. Comment ? c'est simple les cocos: le département américain de la Justice poursuit BP pour des milliards en réparation de ce désastre écologique, arguant qu'il y a eu négligence coupable dans l'exploitation de la plateforme. Or, BP va pouvoir se servir de notre aveu pour tenter de démontrer que s'il y a eu négligence, elle n'était que légère, ce qui pourrait leur économiser quelques milliards.

Vous me direz peut-être qu'avec ses 20 milliards de bénéfice annuel, British Petroleum pourrait payer les dégâts sans mal. Mouais… et que faites-vous de la solidarité entre voyous ? Par ailleurs, maintenir ce bénéfice est aussi à l'avantage des actionnaires de BP.  Dont votre caisse de pension peut-être ?

Michael Wyler

Heureux retraité, Michael Wyler est un ex. Ex avocat, ex directeur de feu le Groupe Swissair en Chine et ex dircom. Au passé comme au présent, journaliste, chroniqueur, père de Jonathan et Julie, dont il est fier, tout autant qu'il l'est de son épouse Cécile, hypnothérapeute, enseignante en hypnose et PNL, auteur et conférencière.