Désobéissez !

Ouf ! Quel soulagement !  Daniel Vasella, "tendu en début d'assemblée" comme nous le dit Le Temps, "s'est peu à peu relâché et a retrouvé un large sourire au fil de la présentation des résultats de l'exercice 2012". Décharge a été donnée aux membres du conseil d'administration et du comité de direction par 93,3 % des voix. Un score digne des élections présidentielles d'une république bananière !

Offrir un peu de chaleur et une tasse de café à des sans-abri lors d'une nuit froide a été le motif du licenciement de Bernard Kobel, gardien de nuit au parking de la Riponne, nous apprend 24 Heures". Roger Bornand, son employeur, peut être fier: le règlement a été respecté.

Pour – entre autres – s'être engagé pour soutenir des collègues suite aux licenciements collectifs du "Temps", en novembre 2012, Rocco Zacheo, journaliste au dit "Temps" a été.. licencié. "Peut-être n'étais-je pas assez docile ?" dit-il. "J'ai l'habitude de toujours dire ce que je pense", peut-on lire dans "Edito-Klartext". Un journaliste qui dit ou écrit ce qu'il pense ? Mais où va-t-on ?

UBS: les bonus versés en 2012, soit 2,5 milliards de francs, correspondent à la perte enregistrée pour le même exercice. Comme actionnaires, via nos caisses de pension, on apprécie…

Ingvar Kamprad, fondateur d'Ikea (une fortune de plus de 30 milliards de francs) habite depuis 1976 à Epalinges. Selon diverses sources, il paie un impôt forfaitaire de 200.000 francs par année. Perçoit-il aussi l'AVS ?

800.000 personnes en Suisse vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Mais nous aurons un bel avion de combat.

Tout cela vous révolte ? Moi aussi. Mais nous sommes des révoltés de bistrot, des indignés de salon, des Guillaume Tell de pacotille. Nous aboyons (faiblement), mais nous ne mordons pas.

Certes, nous aimons nos légendes: les fiers Waldstätten se dressant contre la dictature de Habsbourg, Guillaume Tell refusant de saluer le chapeau de Gessler, mais regardons-nous un moment dans le miroir: nous sommes devenus un peuple de moutons. Moutons indignés, peut-être, mais moutons quand même.

Combien de journalistes pourraient,à l'instar de ce que Beaumarchais fait dire à son Figaro, eux aussi s'exclamer: "Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place…je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs".

L'idée de se révolter contre l'injustice n'est pas nouvelle. Dans son "Discours de la Servitude Volontaire" (1549), La Boétie, alors âgé de 18 ans démontrait que le pouvoir d'un Etat repose entièrement sur la coopération de la population. Ainsi, dès l'instant où la population refuse d'obéir, l'Etat n'a plus de pouvoir. Un peuple peut donc résister sans violence par la désobéissance. Encore faut-il une prise de conscience générale et du courage pour que ce principe puisse être efficace.

La désobéissance civile ? Mouais… un bel essai de Henry David Thoreau, publié en 1849. Mais savons-nous encore, ou plutôt osons-nous encore désobéir ? Nous sommes régentés par des milliers d'articles de loi et règlements, fédéraux, cantonaux, communaux qui, il y a quelques décennies déjà, faisait dire au chansonnier Gilles qu'en Suisse, "tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire" !

Peut-être que comme les Romains naguère, nous avons été pacifiés par du pain et des jeux (entendez des super-discount, des fast-food et 140 chaînes de télévision). Nombre d'entre nous se contentent de se nourrir et de se divertir, sans nous soucier d'enjeux plus exigeants.

Il est temps de réapprendre, non pas à s'indigner dans son p'tit coin, mais à se révolter contre les injustices. Et à désobéir quand il le faut.

 

A lire aussi

Le dossier de L'Hebdo

 

Vasella: vrai naïf ou faucon ?

Glorieuse levée de boucliers autour des indemnités de départ et de non concurrence de Daniel V. à Bâle. Et que le bon peuple hurle son ras-le-bol et que les bien-pensants nous fassent part de leur degoût et que Mme Sommaruga en perd son latin et que le patron de Swissmem s'en étrangle et qu'on s'arrache officiellement les cheveux chez Economiesuisse. Ahhhhhhh !!!!!!! le beau cadeau fait ainsi aux partisans de l'initiative Minder et blablabli et blablabla.

Et si… Si quoi ? Imaginons un instant que Daniel V. qui est sans doute un être agréablement cupide, mais pas nécessairement idiot savait parfaitement ce qu'il faisait en laissant "fuir" cette belle histoire de ses 72 millions juste avant la votation Minder ? Et cela, avec l'aimable complicité d'une partie d'Economiesuisse, dont, soit dit au passage, l'arrogante campagne anti Minder a été un véritable cadeau pour les partisans de l'initiative.

Dans quel but ? Ben évidemment de contribuer à ce que l'initiative soit acceptée, tout en faisant croire qu'on s'y oppose… Car si elle l'est, le Parlement pourra sans doute faire trainer les choses quelques années durant et nous pondre une loi édulcorée qui fera l'objet d'un réferendum et que d'ici là, on continuera à se servir dans la caisse dans la joie et la bonne humeur !

Si c'est le contre-projet qui passe, fini la rigolade et même s'il ne va pas aussi loin que l'initiative, il fera un peu bobo aux patrons. Et tout de suite.  Alors, Vasella ? vrai naif ou faucon ?
 

Impérialisme orgiaque

Ainsi, donc, un Romand s'est vu interdire d'entrée aux Etats-Unis après une mauvaise blague dans un e-mail. Il craint avoir été victime des grandes oreilles américaines.

C'est bien possible car la NSA (National Security Agency) se targue d'intercepter, sans exception, la totalité du trafic de communications mondial (téléphone, email, fax, réseaux sociaux etc.) et il lui arrive de se planter, ses ordinateurs n'étant pas infaillibles. La NSA ? c'est quelque 60.000 collaborateurs, une cinquantaine de stations d'écoute dans le monde, une douzaine de satellites et un budget estimé à 60 milliards par an, l'équivalent du budget de la Confédération.

Son programme Echelon, auquel collaborent le Canada, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle Zélande fait l'objet de bien des spéculations, mais on le sait capable de trier aussi bien les communications écrites que verbales et de décrypter des messages d'apparence anodine.

Comme cela n'a pas l'air de choquer grand monde, on laisse faire. Et ce n'est pas notre ministre des affaires étrangères (c'est qui déjà ?) qui va intervenir. On ne fait pas d'omelette sans casse d'oeufs et la lutte contre les méchants fera d'autres victimes collatérales. Tant pis pour ceux qui sont refoulés sans raison ou grillés quelques heures durant par d'aimables fonctionnaires de l'immigration US.

Pendant qu'on cause impérialisme, sachez encore qu'à l'étranger, les Etats-Unis disposent d'un millier de bases et d'installations militaires dans 150 pays, que 180.000 soldats y sont stationnés et que cela leur coûte quelque 170 milliards de francs par année.

Il est donc temps de se rappeler le discours d'adieu du Président Eisenhower (commandant en chef des forces alliées en Europe pendant la seconde guerre mondiale), le 17 janvier 1961:

Cette conjonction d'une immense institution militaire et d'une grande industrie de l'armement est nouvelle dans l'expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie partout… Nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications…Nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée…exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d'une désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques…

 

Les folies de Chun Yun 春运

Depuis l'an 2.367 avant J.C, et sous l'impulsion de l'Empereur Huang Ti, la Chine, tout comme de nombreux pays du Sud Est asiatique, fêtent le nouvel an lunaire. Cette année, l'année nouvelle, l'année du serpent, commence le 10 février.  Au cours des 3-4 semaines de festivités qui entourent Chun Yun, ce festival du printemps, plus d'un milliard de Chinois se déplaceront pour passer les fêtes en famille.

 

Une bonne occasion pour tenter de saisir le gigantisme de cette Chine, qui, chaque jour de l'année enregistre en moyenne 50.700 naissances et dont 10 villes (y compris 5 dont vous n'avez probablement jamais entendu parler (Shijazhuang, Hangzhou, Zegzhou, Changchun et Jinan) comptent chacune plus d'habitants que toute la Suisse.

C'est parti pour quelques chiffres:

– 3 milliards de personnes prendront un bus au cours de cette période

– 225 millions de personnes prendront le train (photos ci-dessus, la gare principale de Shanghai)

– 36 millions de personnes voyageront en avion

– 325 vols supplémentaires sont prévus entre la Chine et Taiwan (en plus des 630 vols hebdomadaires)

– 120.000 personnes visiteront quotidiennement la Cité Interdite à Beijing

– 39 heures et 20 minutes: durée du voyage que fera en train et en bus (aller-simple) une de mes connaissances pour se rendre de Beijing à   son village près de Urumqi, où habite sa famille. Sans compter les 7 (!) heures de queue qu'il a fait pour acheter son billet

– 7,2 milliards de francs: la somme que dépenseront les Chinois qui passeront leur nouvel an à l'étranger en produits de luxe (+ 28 %)

– 12.000: nombre de mariages célébrés à Beijing le 4 janvier 2013 (date dont la prononciation en chinois s'apparente à "je t'aimerai à jamais"), et donc à temps pour présenter son nouveau conjoint à la famille au cours du nouvel-an.

– 1: le nombre de gros problème auquel nombre de couples doit faire face. Avec la politique de l'enfant unique, il n'y a pas de frères et soeurs et donc, chez qui va-t-on passer les fêtes ? Chez les parents du mari ? ceux de l'épouse ? Un sacré casse-tête…sauf pour ceux qui ont les moyens – et le temps – de passer quelques jours chez les uns et les autres.

Sexe et faux Q

Le sexe est une mine d'or. Moins sans doute pour celles et ceux qui vendent le leur que pour les exploitants… Googlez "sexe" et 139 millions de références apparaissent en 0,27 secondes ! Googlez "cerveau" et seules 20 millions de références apparaissent. C'est dire…

Les media adorent et manifestement, le public est demandeur. Il ne s'écoule guère de semaine sans un reportage TV sur la prostitution, la sortie largement commentée d'un bouquin sur les expériences échangistes de Mme X, les plaisirs et dangers des pratiques sado-maso ou un article sur l'art de pratiquer les fellations. Bref, si le sexe n'existait pas, il faudrait l'inventer…

Ces derniers jours, j'ai donc notamment pu suivre un reportage de la RTS sur la prostitution dans les stations de ski. J'ai lu un article dans "20 Minutes" relatant les misères d'une prostituée face à la concurrence "low cost" des fille de l'Est. Le "Blick" m'a montré les seins de sa "star du jour", des "sex-addicts" m'ont raconté leur enfer ("je ne pensais plus qu'au cul") et "Le Matin", le quotidien le plus sexe de Romandie m'a gavé de centaines d'annonces "charme" (sic) du genre: "25 ans, poitrine XXL, sodomie, 3ème âge, gode, très chaude", tout en me suggérant d'aller me balader sur son site spécialisé lmcharme.ch, histoire de mater quelque 600 annonces de cul bien croustillantes.

Ce blog étant classé "économie", on se doit de parler chiffres, non ? Alors, allons-y ! S'il y a de l'offre, c'est qu'il y a de la demande. L'offre ? Quelque 2.200 prostituées actives dans l'arc lémanique (190 salons rien que dans le canton de Vaud…), La demande ? On estime que plus de 15 % des habitants mâles de la Romandie âgés entre 18 et 70 ans, soit près de 75.000 hommes visitent plus ou moins régulièrement un/e prostitué/e. Chiffre d'affaires annuel estimé: 280 millions de francs.

Les Romands sont très friands de prostitution nous disent les media. Et très gâtés: grâce à la libre circulation des personnes, les filles du monde entier affluent vers cet Eldorado du sexe qu'est la Suisse, pouvant travailler 3 mois chez nous sans être soumises à l'impôt ! Une aubaine pour les consommateurs, car, comme le veut une des règles de base de l'économie, quand l'offre est supérieure à la demande, les prix tendent à baisser…

Excellente occasion donc pour les media – agréablement faux-Q en la matière – de remettre la compresse en nous fournissant des infos sur les tarifs (en chute libre), tout en s'inquiétant de ce phénomène auquel ils donnent tant de publicité…

Pourquoi un blog sur ce sujet ? Parce que, comme déjà dit, le sexe fait vendre. Et que si j'avais écrit un blog sur la politique monétaire des Banques centrales, comme l'a récemment fait un de mes excellents confrères, vous seriez sans doute moins nombreux à me lire…