Berk et Beurk !

En cette fin d'année, on peut avoir envie de vomir avant même les excès du réveillon. Il suffit de lire l'enquête du Matin Dimanche et de la Sonntagszeitung sur les 300 millions planqués au Crédit Suisse par Alaa et Gamal Moubarak, les deux fils de l'ancien président egyptien.

Selon leur avocat, le jeune et fringant Lionel Halpérin, les deux frangins sont "des hommes d'affaires actifs dans la finance qui, comme d'autres, ont très bien gagné leur vie dans les années 1990 et 2000". Mouais… moi aussi, j'ai bien gagné ma vie pendant ces belles années, mais pour me mettre 300 millions de côté, il m'aurait fallu économiser pendant 2.000 ans sans rien dépenser. Passons. Il est vrai que mon père n'exerçait pas le métier de dictateur et que je ne suis sans doute pas très doué pour la finance…

Le fait qu'ils aient été des PPE (personnes politiquement exposées) signifie que le Crédit Suisse devait connaître aussi bien les clients que l'origine des fonds. Cela semble bien avoir été le cas puisque les organes de lutte anti-blanchiment de la banque avaient plus que froncé les sourcils. Mais le conseiller des frangins, Olivier Meystre, directeur de la division Moyen-Orient du CS, les a amenés à fermer les yeux. Par pure commisération sans doute. Et peut-être aussi par amitié pour ce grand voyou de Hussein Salam, âme damnée des Moubaraks, bon client du Crédit Suisse et heureux bénéficiaire de généreuses rétro commissions que lui versait la banque pour les clients qu'il amenait.

Hussein Salam qui, soit dit en passant, s'est tiré en Espagne au début du printemps Egyptien et négocie en ce moment le remboursement de dizaines ou centaines de millions acquis illégalement contre l'annulation de sa condamnation à 15 ans de prison par un tribunal égyptien.

Bref, après les frangins Abacha (fils de l'ancien dictateur du Nigéria) qui avaient également planqué quelques centaines de millions en Suisse, il y a une quinzaine d'années, on retrouve le même scénario: contre l'avis du comité anti-blanchiment de la banque et grâce à ses relations privilégiées, le conseiller des sympathiques frère obtient que les comptes restent actifs et vogue la galère.

Si on peut se réjouir pour le jeune Lionel – qui va certainement se faire un saladier en honoraires – et pour le fisc genevois qui va lui en piquer la moitié – on ne peut qu'être triste d'être ainsi confronté à la connerie humaine et notamment celle de la direction du Crédit Suisse.

Certes, les attaques dont fait l'objet la place financière suisse sont souvent aussi sournoise que peu désintéressées. Mais lorsqu'il s'agit de se tirer des balles dans le pied et d'alimenter les attaques, on n'a besoin de personne. Chantons donc en choeur ce texte de Gilles, qui date des années 1960, mais n'a rien perdu de son actualité.

Bien qu´à cheval sur la morale
Portant des vertus l´étendard
Nous avons nos petits scandales
Qu´on étouffe avec beaucoup d´art.
Il y en a de militaires
Avec d´austères colonels
Et d´autres, moins spectaculaires
Mais tout aussi traditionnels
Dans la pédale et la finance.
Mais comme on en signale en France
Gardons-nous d´affirmer surtout
"Y en a point, y en a point comme nous!"

 

 

Michael Wyler

Heureux retraité, Michael Wyler est un ex. Ex avocat, ex directeur de feu le Groupe Swissair en Chine et ex dircom. Au passé comme au présent, journaliste, chroniqueur, père de Jonathan et Julie, dont il est fier, tout autant qu'il l'est de son épouse Cécile, hypnothérapeute, enseignante en hypnose et PNL, auteur et conférencière.